L E
CONSERVATEUR
D U
SANG HUMAIN,
O U
LA SAIGNÉE DÉMONTRÉE
Toujours pernicieufe & fouvent mortelle.
Par M. de Ma LO N.
Salus populi fuprema lex.
Que le bien public foit votre première loi. CLc 5-
A PARIS,
Chez Antoine Boudet, Imprimeur
du Roi, rue S. Jacques.
M DCC. LXVI.
Avec Approbation , & Privilège die Roi.
AVANT PROPOS.
I L faut être bien convain¬
cu de ia vérité de ce que
l’on avance * pour ofer atta¬
quer une pratique ancienne¬
ment établie & généralement
foutenue , au moment enco¬
re où elle femble dans fa
plus grande vigueur ; c eft ce
que je fais aujourd'hui, en
travaillant à faire rayer la
faignée du catalogue des re-
rnedes. Rentre dans les plus
grands détails fur cette ma¬
tière, je donne une défini^
tion du fang &: de fes prin¬
cipes , je développe les ref-
forts de la digeftionje prou¬
ve que nos maladies font
toujours dans nos humeurs
iv AVANT-PROPOS,
8c jamais dans le fang qus
neftque leur extrait 3 je fais
voir combien la faignée efl:
contraire à la coâdon 8c à la
diflolution radicale des ali-
mens pour former un bon
chyle 5 jappuyé mon rat¬
ionnement d'exemples frap-
pans j ôc de comparai fons
toutes Amples.
Si je parviens à prouver
que la jaignée la plus jage-
ment ordonnée efl toujours per-
nicieufe & fouvent mortelle 9
quelque bien qu elle femblefaP
re , le public y gagnera beau¬
coup : fi l’on ne trouve pas
mes rai fons fuffifantes, j’au¬
rai fait voir au moins mon
envie d’être utile.
CONSERVATEUR
D JJ ,
SANG HUMAIN
i.
La Saignée ejl toujours préjudi¬
ciable > quelque bien quelle
Jemble faire.
E célèbreVanhelmont,
à qui nous fommes re¬
devables de nos meil¬
leurs remedes fîmples, déplo-
roit le fort des malades dont on
verfoit le fang ; il difoit dans fà
douleur » qu’un démon meut?*.
2 Le Conservateur
» trier s’étoit fans doute emparé
» des chaires de la Médecine,
» parce que le démon lèul étoit
» capable d’infpirer le befoin
» indifpenfable de faigner un
» malade pour parvenir à fa gué-
» rifon ».
Encouragé par un fi grand
maître» j’oie entreprendre de
prouver que l’erreur la plus
grande enfanta la faignée, quel-
le ne peut continuer d’être en
faveur malgré tout le mal quelle
opéré» que par le change qu’on
a pris jufqu’ici fur la vraie caufe
des maladies.
J’ofe dire que la faignée fit
toujours du mal» quelque bien
quelle ait paru faire ; je vais en¬
trer dans des détails qui ne le
prouveront que trop à ceux qui.
fe font une habitude de la fai¬
gnée , & qui préfèrent l’ouver¬
ture de leur veine à la plus, lé-,
gere purgation.
DU SANG HUMAIN. £
La feule ignorance de la na¬
ture du làng, de la vraie caufo
des maladies & des remèdes qui
leur font propres, produifit le
grand abus de la faignée.
2.
Le fang fa purifie avant <$entrer
dans les veines .
Je demande que Ion remar¬
que avec la plus férieufo atten¬
tion que le lang, avant de s’in¬
troduire dans les veines & dans
les artères, ell purifié par deux
codions. La première & la prin¬
cipale caufe des maladies me fora
donc pas dans le làng, propre¬
ment dit j mais foulement dans
la forabondance & l’épaiflîfie-
ment des humeurs qu’il charrie.
Il faudra donc fe contenter,
pour guérir un malade, de quel¬
que maladie quece puilfe être »
Aij
4 Le 'Conservateur
de travailler à découvrir l’hu¬
meur peccante, la purifier, ou
l’évacuer par un purgatif propre
à en débarrafier le lang. .
Que l’on faigne un malade
dans la grande fermentation de
l’humeur altérée, ce fang, juf-
qua la derniere goutte, ne pa-
roîtra-t-il pas toujours mauvais ?
Semblable au vin troublé dans
une barrique que l’on met en
perce avant qu’il foit clair, &
que l’on tirera trouble jufipà la
derniere goutte.
3 A.
Analyfé du fang SC de fes
■principes.
Si nous en croyons le fyftême
reçu & enleigné dans nos Eco¬
les même de Médecine, on
trotive trois humeurs dans notre
corps qui fe mêlent avec le fang.
BU SANG HUMAIN. jf
Ce font, la bile , la pituite &.
la mélancolie.
3 B.
Ce que cejl que la hile.
La bile n’eft qu’un fel amer
fulfureux, réfolu par fon propre
véhicule, puifque fon goût eft
li fort, & qu elle fe développe
dans l’eau comme le fel : l’ufage
des chofes qui reffemblent le
plus à là nature comme les épi¬
ceries , les viandes falées, les
alimens de haut goût, mordicans
& âcres , l’augmentent & l’en*
flamment ; voila pourquoi dans/
toutes les maladies où l’on re-
connoît de l’inflammation, on
commence par interdire les cho¬
ies falées.
La bile grofïiere s’évacue par
les urines & par les felles, la
lubtile a Ion liège dans la veli-
A iij
€ Le Conservateur
cule ^ du fiel : fon efprit fait la
partie la plus pure du fang.
La bile fuperflue & gromere,
enfin la bile noire & excrémen-
teufe, fait toujours la fource des
plus violentes maladies, com¬
me des douleurs de tête avec la
fièvre, quand cette bile pèche
par la quantité : elle produit l’ic¬
tère quand elle eft épanchée.
( fiidtère eft ce qu’on appelle,
aflez vulgairement jaunifïe : on
diftingue deux fortès d’i&ères ,
le blanc & le noir ; le blanc
s’annonce Amplement par les
pâles couleurs, le noir s’annon¬
ce d’abord par une couleur jau¬
ne clair, enfuite d’un jaune
plombé, livide & bazanné ).
Quand la bile reflue & fe dé¬
gorge dans l’eftomac, elle y
produit des coliques violentes :
fi cette bile engorge les boyaux,
elle produit les coliques bilieu-
DU SANG HUMAIN. 7
fes & néphrétiques, elle dégé¬
néré en fables 8c en pierre, 8c
enfin caufe beaucoup d’autres
maladies, que la faignée ne peut
guérir, mais dont on fe délivre
par l’évacuation de l’humeur qui
caufè le mal» en provoquant les
Telles êc les urines, mais jamais
par la faignée.
4 -
Ce que âejl que La pituite •
ta pituite fè forme de l’hu¬
mide que nous prenons avec les
alimens ; cette humeur fè confï-
dere encore en trois fùbftances ;
la grofïïere, la fubtile & fon ef-
prit. La grofïïere s’évacue par la
veffîe : la fubtile a fon fîége au
cerveau, 8c fon efprit entre dans
la compofition du fang pour le
rendre fluide.
Quand la pituite grofïïere fur-
A iv
8 Le Conservateur
abonde, elle caufe l’hydropifie;
quand la fubtile pèche en quan¬
tité y elle forme les catharres, les
fluxions, les rhumes, les rhu-
matifmes , les paralyfies & l’a¬
poplexie. Cette humeur & lès
maladies fe guérilTent en pur¬
geant le groffier, en conden-
lant le fubtil? à quoi la laignée
devient inutile.
5 *-
Ce que c\ejl que la mélancolie
ou flegme.
Nous la divilèrôns comme les
autres en trois fubftancès : la
groffiere, la lùbtile & Ion ef-
prit. La groffiere a Ion liège
dans la rate, la fubtile dans la
grailTe, & fon elprit entre dans
la compolition du làng.
Lorlque la mélancolie grol-
fiere furabonde elle groffit la
DU SANG HUMAIN. p
râtte 5 caufe des obftruétions en
épaifîïiïant les fluides., les ali-
mens grolîïers 8c vifqueux l’aug¬
mentent ; ainfl pour guérir les
maladies quelle enfante, il fau¬
dra travailler à la rendre fluide,
8c la laignée feroit tout le con¬
traire.
Par ce détail il eft aifé de voir
que la fàignée ne peut produire
aucun bon eflèt dans prefque
toutes les maladies, puifque je
viens de prouver qu elles étoient
plutôt enfantées par la mauvaijfè
qualité des humeurs &leur épaif
flflement que par toute autre cau-
lè : d’ailleurs le fang n’étant que
la partie la plus déliée des hu¬
meurs 8c la plus fpiritüeufè, ce
fera toujours la plus pure 8c celle
qu’il faudra conferver.
Mais, me dira-t-on, com¬
ment connoître l’humeur fiira-
bondante d’un malade Ml y a
Av
io Le Conservateur
plulieurs moyens qui Indi¬
quent , entr autres le fiuvant,
6 .
Moyen de connoître thumeur
peccante du malade. Nous al¬
lons l'indiquer. Domination
du fang .
Chaque humeur domine par¬
ticulièrement en telle ou telle
partie du jour. Le fang, la par¬
tie la plus pure des humeurs &
leur extrait, efl: dans là vigueur
& fa force depuis trois heures
après minuit julqu’à neuf heures
du matin ; c’eft pourquoi celui
qui fè couche & fe leve à des
heures réglées & de bonne heu¬
re , trouve, en le levant matin
& avant le jour, ou au foleil
levant, fon efprit lefie & dif-
pos ; il arrive même alTez ordi¬
nairement que ie malade fefent
DU SANG HUMAIN. II
mieux le matin que l’après-midi,
parce que le fang répand alors
par toute l’habitude du corps
îà chaleur agréable, douce &
vivifiante.
7 *
Domination de la bile.
La bile domine depuis neuf
heures du matin jufqu’à trois
heures après-midi, tems auquel
la force & la vertu naturelle fé-
pare la bile du fang, l’envoie
au fiel & aux autres parties où
elle eft nécefiaire, ce qui fait
qu’à ces heures l'homme eft plus
facile à s’émouvoir & fe mettre
en colere.
8 .
Domination de la mélancolie «
La mélancolie fait fbn office
depuis trois heures après-midi
jufqua neuf heures du loir ; pen-
A vj
i2 Le Conservateur
dant ce tems le foie le purge,
jette dehors Ion écume & tou¬
tes les fuperfluités que la nature
rejette du côté de la ratte ;
c’eft pourquoi pendant cette
intervalle l’entendement paroît
moins libre, offufqué qu’il eft
par une vapeur épaifle & noire,
qui lui ôte la gayeté, & rend le
fujet rêveur.
9 -
Domination de la pituite.
La pituite ou flegme domine
depuis neuf heures du loir ju£
qu’à trois heures après minuit :
alors le flegme furabondant que
les alimens ont produit, en¬
voyé des vapeurs froides & hu¬
mides au cerveau qui l’affàiflent
& rendent l’homme pelant &
endormi : cela eft li vrai que
l’heure du lommeil paflee on
s’endort beaucoup moins.
BU SANG HUMAIN.. Ij?
10.
Nos humeurs empirent plus ou
moins félon les faifons.
Les élémens 5 les affres , les
làifons, les cieux enfin ont leur
mouvement régulier ; nos hu¬
meurs ont aulfi des mouvemens
8c des périodes fixes > 8c produi-
fent des effets bons ou mauvais >
fuivant les failbns auxquelles ces
mêmes humeurs ont un rapport
plus particulier.
1 1 .
Empire du fang au printemps .
; Ainfile fang domine au prin¬
temps > à caule de fon analogie
avec cette faifon où tout efprit
fermente ; auffi les fièvres de
printemps font- elles vives 8c
continues.
J* Le Conservateur
12,
Empire de la bile en été,
La bile domine en été , parce
que chaude de fa nature elle a
un rapport parfait avec la cha¬
leur de l’été, & c’eft le tems
des fièvres tierces.
* 3 -
Empire de la pituite en hyven
La pituite domine en hyver»
parce qu’elle ell froide & fura-
bonde dans le fiijet par le défaut
de tranfpiration que caufela ri¬
gueur de cette fàifon ; c’eft le
tems des fièvres quotidiennes &
éphémères qui finirent en un
jour, parce qu’elles font moins
occafionnées par la corruption
proprement dite des humeurs
que par leur épaiffiffement & par
DU SANG HUMAIN» If
l’altération périodique & paffa-
gere de la régularité de leur
cours.
Pour peu qu’on veuille y faire
attention, on remarquera qu’au
moment où chaque différente
humeur fait fbn office ? les ac¬
cès des fièvres que nous venons
d’annoncer & de diftinguer fè
manifeflent, & que ces accès
ceffient ou diminuent de beau¬
coup quand une humeur cède
fbn empire à l’autre, pourvu
toutefois que chacune de ces
humeurs ne fè trouve pas fiibju-
guée par celle qui lui fùccéde r
car alors il fè fait une crifè, &
l’on remarquera què cette crifè
arrive plus particu fierement fous
les changemens de domination.
16 Le Conservateur
H-
Diflinclion de lhumeur qui caufe
telle ou telle fièvre.
L’on fera attention que pour
l’ordinaire les fièvres continues,
& toutes celles qui viennent du
fang & de fa fermentation ex¬
traordinaire i ont leur accès le
matin ; les fièvres tierces vers le
midi ; les fièvres quartes vers les
trois ou quatre heures * la fièvre
quotidienne à une heure après
minuit.
fp
Caufe de la fièvre continue .
Il fera donc aifé d’infèrer que
la fièvre continue, dont l’accès
eft au matin, vient du fang 8c
de fon mélange avec des hu¬
meurs crues qui, par. leur fer¬
mentation, l’embrafent & le
DU SANG HUMAIN^ ïy
-conlîiment, à quoi l’on remé¬
diera j en tâchant d’évacuer une
partie de ces humeurs crues ou
recuites dans les premières voies,
1 6.
Fièvre tierce .
Les fièvres tierces provien¬
nent de la mauvaife difpofition
de la bile ; il faudra donc la dé¬
layer & la purger, ce que la fai-
gnée ne peut faire.
l 7 •
Fièvre quarte .
Les fièvres quartes viendront
du vice de la mélancolie, il s’a-
f ira donc de trouver le moyen
e lui rendre fa qualité fluide,
& d’employer des remèdes qui
la fubtilifent : eft-ce par la Ali¬
gnée qu’on y parviendra ? puifi
18 Le Conservateur
quelle détruit & évapore la par»
tie la plus fpiritueufe, par con*
féquent la plus propre à diflou-
dre & digérer convenablement
les humeurs crues.
18.
Fièvre quotidienne .
La fièvre quotidienne pro¬
viendra du vice du flegme , il
s’agira de diminuer ce flegme
par le choix de certains alimens
& la privation de quelques-uns ;
à tout cela la laignée devient
abfolument inutile : voila pour¬
tant les quatre fources de nos
maladies.
J’avouerai que quelquefois il
arrive que toutes les humeurs
par leur extrême abondance fe
trouvent mêlées , alors elles
n’ont plus de réglé & de tems
limité. Leurs accès font & plus>
DU SANG HUMAIN.
violens & plus longs ? & par l’in¬
tempérie des humeurs la mala¬
die devient rebelle ou dange-
reufe ; alors la maladie n eft ?
pour ainfi dire, qu’un accès con¬
tinuel , parce que la corruption
des humeurs mêlée avec le fang
qui les charrie, fait qu’elles ne
peuvent perdre de leur vice qu’a-
près avoir recouvré leur , équi¬
libre; mais dans ce cas la fai-
gnée fera très-contraire : car les
efprits ayant plus d’aélion & de
force, feront bien plus promp¬
tement évaporés par l’ouverture
de la veine, ce qui peut caufer
la mort du malade ou le rendre
cacochyme toute là vie.
ao Le Conservateur
ip.
Raiforts qui prouvent que la fai-
gnée la plus prudemment ordon¬
née ejl toujours un mal
L’habitude delà faignée abrège
la vie de l’homme, le rend plus
fùjet. aux maladies 3 parce qu’il
en devient plus foible ; Galien
même condamne le fréquent
ufage des faignées, à caufe de la
difïipation des efprits qui le fait
avec l’efprit de fang, d’où réfulte
infailliblement le refroidifle-
ment de tout le corps, & de-là
l’affoibliflement de toutes les
fonctions naturelles : ceux qui.
voyent ainfi couler leur fang
fans réflexion ? n’en (ont pas
toujours quittes pour la foiblefle
du corps 5 ou les maladies de
langueur, ils payent quelque¬
fois d’une mort fubite l’impru*
DU SANG HUMAIN. 21
dence de s’être fait faigner lé¬
gèrement , parce que le feu de
la lampe s’éteint tout-à-coup ,
faute d’huile pour l’entretenir.
20.
'La faignêe contraire meme dans
la pléthore.
Une des fortes raifons que
l’on ait crû pouvoir donner d’em¬
ployer la fàignée, c’eft quand il
y a pléthore : cependant il y a
des tempéra mens qui paroif-
fent robuftes & pléthoriques,
auxquels la faignée eft la plus
pernicieufe. J’ai connu plulieurs
perfonnes dans cédas,auxquelles
la maniéré Ibmptueufe de vivre,
la vie fédentaire, la couleur ani¬
mée du vilage, les maux de gor¬
ge , les péfànteurs de tête, la
grande tenfion des veines fem-
bloient indiquer le befoin de fai-
s&2 Le Conservateur
gner, & cependant, prefqu’auf
h-tôt la faignée faite, ils tom-
boient dans des convulfîons, fui-
vies d’un accablement de plu-
fieurs jours. Perfonne ne peut
nier que la pléthore ne loit fou-
vent occafïonnée par une indi-
geftion : or la faignée eft mor¬
telle dans Pindigeftion, il n’efl
donc pas toujours prudent de
l’employer, même quand on
fuppofe la pléthore, & puifqu’en
dégageant le grand canal on
donne du relfort à tous ceux qui
viennent s’y rendre^ je préféré’
rois un lavement approprié au
tempérament de la perfonne
& convenable à l’état de fès hu¬
meurs. _
En fuivant la nature dans fès
opérations, nous remarquerons
que tout remède qui affbiblit fè
trouve infailliblement contrat
re,puifqu’après les crifès & les
DU SANG HUMAIN. 23 ,
évacuations naturelles le ma¬
lade en devient plus fort ; en
voici la raifon : ceft que la na¬
ture n’a purgé que le furabon-
dant, au lieu que nous pur¬
geons fouvent avec trop d’indif¬
férence toutes les humeurs de
nos malades ; de-là vient qu’a-
près des évacuations que nous
procurons ils font encore plus
toibles, & que fouvent les acci-
dens augmentent avec le danger
de mort.
21.
Attention particulière de Galien
avant de faire faigner, quoique
ce fut un des partifans de la
faignée .
Galien, quoique partilàn de
la faignée, ne laiffoit pas de pe¬
ler avec foin toutes les circonf
tances avant de l’employer ; il
s’eflapperçu, dans le traitement
24 Le, Conservateur
même des pléthoriques, que
l’abftinence fuffifoit aux uns, une
nourriture choifie & modérée
aux autres » un léger purgatif à
ceux-ci, un lavement à ceux-là.
Hippocrate ne penfoit pas au¬
trement que Galien : car en par¬
courant avec foin Ion livre de la
diète, nous verrons qu’il re¬
garde î’abftinence comme le fè*
cours le plus sûr pour vuider les
vaifTeaux.
Frédéric Hoffman veut auffî
qu’on recherche foigneufement
la caufe de la furabondance du
fang-, & li l’on découvre qu’elle
puiüe venir de l’excès de nour¬
riture, il penfë qu’il y a beau¬
coup plus de fureté de s’en tenir
à l’abftinence, que de recourir
àlafàignée.
3,2Ï
DU SANG HUMAIN. 2 $
22 .
Second cas où la faignée eft con¬
traire j même dans la pléthore .
Je vois avec douleur que bien
loin de faire toutes ces atten¬
tions à l’égard des pléthoriques,
on enleve aux corps même les
plus affaiblis, & fouvent les plus
exténués par toutes fortes de re-
medes,le peu d’elprit de làng
qui leur relie pour l’entretien
d’une flamme fouvent prête à
s’éteindre.
2 3 .
La nature eft en défaut Ji rêva-
cuation du fang eft un de Jès
ouvrages.
Si l’efFulion du làng pouvoit
être un remede auffi efficace
pour la guérifon des maladies
que le font les autres évacua-
B
2.6 Le Conservateur
tions naturelles, comme font
les Tueurs, les vomiflemens, les
diarrhées, &e. pourquoi la na¬
ture n’auroit - elle pas difpofé
en faveur de l’évacuation du
fang, des voies aufli détermi¬
nées qu’aux fluides quelle vuide
par les pôres & les Telles, &
puifqu’elle n’a pas fourni les
memes indications pour la fai-
gnée -que pour les mdorifiques
& les purgatifs , nous ne devons
donc pas la regarder comme
aufli néceiïaire dans tous les cas.
Les partifans de la faignée
vous diront encore que ce n efl
pas tant pour vuider les vaif-
îèaux que pour évacuer ou cor¬
riger l’humeur nuifible qu’ils
admettent la Taignée ; mais ne
peut-on pas leur répondre que
cette humeur efl cantonnée dans
un lieu particulier, ou quelle efl
également répandue dans toute
DU sang humain, 27
la mafTe des liqueurs f dans le
premier cas la faignée ne peut»
fans lui fuppofer de l’intelligen-
ce , aller chercher le vice dans
,1e lieu du dépôt; & dans le fé¬
cond » les plus amples faignées
n évacueront pas feulement la
^centième partie de l’humeur
peccante » elles en empêcheront
même la réparation.
24.
Principes defquels le f&ngejl
forme.
Raisonnons principes : le fuc
que nous appelions fang , eft
formé de deux matières très-dif
férentes ; l’une confifte en la
F raifTe la plus épuréq de la terre »
autre eft la partie là plus aéfive
de l’air, laquelle ayant plus de
mouvement, fè trouve plus ca¬
pable d’en communiquer à tous
sS Le Conservateur
les corps qui s’en trouvent lùf-
ceptibles, & cet élément que
nous appelions air, porte dans
tous les corps le feu qui les ani¬
mé) qui le trouve la caufe im¬
médiate de l’accroiffement &
de la multiplication des femen-
ces. Il eft probable que le liège
de nos maladies doit être dans
la partie terreftre du làng 5 &
nullement dans la partie fpiri-
tueufe qui lui donne la vie , par
conféquent la faignée doit re->
tarder la cure des maladies)
puilque fon effet eft de faire
évaporer , par l’ouverture delà
veine , la partie aâiive de l’air
fans laquelle tout corps demeu¬
rerait fans mouvements & fans
force.
DU SANG HUMAIN." 2p
2 5 -
Raifons féduifantes en faveur de
la faignée.
Voici les raifons les plus fé¬
duifantes des partifàns de la fai¬
gnée , elles fe réduifent à qua¬
tre principales.
Première raifort,
« Quand le fàngne circule pas
» librement il faut le diminuer >-
» afin* de. lui donner de l’air &
» de faciliter Ion mouvement.
Seconde raifon .
» Par le moyen de la faignée
» l’on parvient à rafiraîchir le
» fàng, quand il fè trouve échauf¬
fé plus qu’il ne faut.
Troijième raifon .,
» Une chaleur ou un mouve-
B iij
§‘6 LE CONSERVATEÛR.
» ment exceflif du fang peut
» rompre les vaifTeaux qui leçon-
» tiennent , & alors faire tom-
a ber le fang extravafé fur les
» parties nobles, dans lefquels
étant privé de fon mouvement
» ordinaire, il contraéleroit un
» vice de pourriture qui fèroit
». caufe de la définition du fujet.
Quatrième raifort .
» Il convient de faigner les
» gens qui fe nourrifTent d’ali-
y> mens très-fucculens, ce qui
* produit une grande quantité
» de fang capable de fiiffoquer
» ceux qui vivent de la forte,
a> ce qui rend la faignée com-
» me indifpenfable.
26 . :
Développement de là digefiion .
Avant de répondre à ces qua¬
tre objétions, difbns deux mots
DU SANG HUMAIN/ £1
de la digeftion : je dis donc que
l’eftomac de chaque animal » 8 c
particulièrement de l’homme,
eft la racine par le moyen de
laquelle il reçoit les fubftances
capables d’entretenir les mou-
vemens de la machine. Les mê¬
mes mpuvemens que l’on remar¬
que dans la fouche & dans le fî-
f uier, arrivent également dans
animal, enforte que rien ne fe '
mêle avec le fang qui n’aye au¬
paravant pafTé de l’eftomac
dans les boyaux, des boyaux
dans les veines la&ées, & en-
fuite dans les artères & autres
veines.
Ce qui fe pafTe dans l’animal
eft l’image de ce qui arrive dans
les végétaux, & même dans les
métaux & les minéraux : à la vé¬
rité il arrive bien des chofès
dans ces derniers que nous ne
voyons que par les yeux de l’ef-
3 * Le Conservateur
prit ; mais les expériences ont
confirmé nos idées à cet égard.
27.
Ce qiùil faut pour bien digérer.
Deux chofos font" également
néceïïaires dans l’animal pour
faire la digeftion : l’une confille
en ce qu’on appelle levain de
feftomac, l’autre confille en les
refforts.
Le levain de l’ellomac fort à
diffoudre les alimens, brifés»
hachés & liquéfiés , ou par une
préparation extérieure, ou par
les refforts & la falive de la
bouche : le diffolvant change
leur nature & parvient à en for¬
mer un fuc tout-à-fait différent
des alimens ; ce lue fo nomme
chile, c r efl cette liqueur qui, par
les veines laélées, entre dans le
fang qui fo trouve poufféç par
DU SANG HUMAIN.
les refforts de l’eftomac & l’é-
lafticité des conduits par où elle
pafTe.
Voila les deux chofes les plus
eflentielles pour la fabrique &
la formation du fàng 9 que l’on
peut nommer fuc vital, puifque
de lui dépend la vie.
Le feu ou la chaleur natu¬
relle , le mouvement des parties
voifines, aufli bien que leur
bonne ou mauvaife conforma¬
tion , contribue aufli beaucoup
à rendre la digeftion plus ou
moins parfaite.
Il faudra donc examiner, avec
la plus férieufe attention, tous
les défauts & les dérangemens
qui peuvent arriver par la mau¬
vaife difpofltion des racines 3 &
de la partie terreftre qui eft en¬
trée dans le fang, après quoi
nous viendrons à l’examen de la
partie aérienne, reçus dans les
B v
34 Le Conservateur.
conduits fupérieurs nommés
poulinons.
Ayant donc fuffilamment re¬
connu que le dilTolvant deTef
tomac & Tes relForts Ibiént les
principaux agens de la digef-
tion, il faudra tâcher de dmin-
guer leurs bonnes ou mauvaifes
dilpolîtions, & même celles des
corps deftinés à être diflous. On
parviendra facilement par ce
moyen à la connoifFance des dé-
lordres & du dérangement qui
arrivent dans les fucs renfermés
dans les grands tuyaux, & à y
remédier, ce qui deviendroit
împoffîble à celui qui n’auroit
aucune v connoilTance de la mé¬
canique, Sc qui feroit de la fai-
gnée fbn principal remedé.
Il faudra donc ne pas perdre
de vue ce que je viens de dire,
que deux choies principales fer-
voient à former le fuc que l on
DU SANG HUMAIN. $$
nomme chyle, fçavoir : le le¬
vain de l’eftomac & les refi*
forts, dont les fibres nerveufes
font toute la vertu.
28.
La falive efl le dijfolvant de
r ejlomac,
Qu’eft-ce qui doute que la là-
live fo mêle avec les alimens,
8 c même qu’il en coule dans
leftomac fans que nous y coo¬
périons , e’eft le difiblvant de
î’eflomacy
L’ori nomme falivé- cette H-
queur dont la bouche effc tou¬
jours humeébée-, parce quelle
abonde en fol , & que tout foi
fondu ou dlfToufr eft- un- difTol-
vant, ce fol fo< trouve formé des
corps qu’il a dirons- lui-même
c’eft une roue-continuelle; après
quoi, par' le moyen- dufee" infî-
Le Conservateur
nité de glandules qui tapiflTent
la bouche & l’eftomac, le fang
qui Te trouve porté par les artè¬
res dans le corps de Ces petites
glandes en y filtrant, fait une
lefïive des fels les plus pénétrans
qui fe mêlent avec les alimens
& forment leur difTolution ; &
afin que cette difTolution foit
parfaite , il faut que le diflolvant
& le corps diffout fe trouvent
également bien difpofés.
Or c’eft une réglé dans l’or¬
dre des chofes , qu’aucun difTob*
vant n’a de force que fur un
corps de fà nature pour le dif-
loudre radicalement, j’entends
par difTolution radicale faction
d’un corps fiir un autre d’une
maniéré douce & impercepti¬
ble , à la fin de laquelle le diifol*
vant & le corps diffout ne font
plus qu’un tout de même natu¬
re , quoique fous une formé dif¬
férente.
mi SANG HUMAIN. 37
Par exemple, quand on jette
un grain de bled dans la terre,
il y rencontre la faline de la ter¬
re, c’efl-à-dire, une certaine
quantité d’eau & de lèl qui fait
dilfoudre & pourrir ce petit
corps y fans quoi la diffolution
ne le feroit pas non plus que lï
on le jettoit dans un fable fec ou
lùr un rocher.
De même fl je jettois ce mê¬
me grain de bled dans un étang,
quoiqu’il vint à s’y corrompre
& à y pourrir , il ne prendroit
pas cette nouvelle apparence &
ne pourroit végéter, parce que
fon feu le trouvant étouffé par
la trop grande quantité du dil-
folvant, il n’y auroit plus de di¬
latation & d’accroifTememt.
Dilons donc que ce grain de
bled ayant été formé des fucs de
la terre & de l’eau du ciel, il ne
peut être radicalement diirout
38 Le Conservateur
Reparles mêmes matières dont
il a été formé, & qu’ainfi il ne
peut s’étendre, prendre figure
de la plante, ni multiplier, fi la
terre où l’on veut le femer n’a
toutes les qualités que je viens
d’annoncer.
27.
Aucun corps ne fe dijjbut que par
un dïffolvant de fa nature .
Pour prouver qu’aucun corps
ne peut fe difioudre que par une
humidité de là nature, que l’on
jette une fèmence de pomme
dans de lu cirer* quoique la cire
foit un corps humide & huileux,
n’étant pas- de la même nature
de la fèmence il ne le fera au¬
cune dilToltition;. de même que
fi l’on jette de l’argent dans de
l’eau forte Sc. de l’or dans de
leau régale, il ne le fait point
une véritable diirolution, mais
DU SANG HUMAIN. 59
une fimple réparation ; parce que
ees eaux pénétrent l’or & l’ar¬
gent , & les divifent fans les dif-
foudre ; cela provient de ce que
ees eaux ne font ni de la nature
de l’or ni de celle de l’argent *
auflî cette féparation fe fera-t-elle
avec une grande effervefeence
contre l’ordre de la nature, dans
les difîblutions radicales qui fe
font toutes fans violence, fans
bruit & d’une maniéré prefque
imperceptible , comme nous
voyons le. fèl dans l’eau, parce
que le fel eft de la nature de
l’eau.
Voila donc la différence que
je remarque entre une eorrolion
& une diffolution radicale ;
quant à la. diffolution qui fe fait
dans i’eftomacpour qu’elle
foit parfaite, if faut quelle fe
trouve conforme aux réglés fuf-
dites, fans.quoi elle feroit mau-
4 © Le Conservateur
vailè» il ne proviendront de cette
dilTolution qu’un mélange con¬
fus du difTolvant & du corps
qui devoit être dilïout, lequel
n’ayant point paffé par la pour¬
riture radicale porteroit avec foi
une crudité ou des parties indif
foutes 9 lelquelles venant à le mê¬
ler avec les lues épurés & uni¬
formes» troubleroient l’écono¬
mie & l’équilibre des liqueurs
d’où dépend la fanté.
Il y a une j uftefle admirable
dans les principes qui compo-
fent le fang, lorfque la nature
les a fait palier par fa balancer
La matière ignée ou cette ame,
dont nous avons parlé, le trouve
fi finement enveloppée par l’eau
Sc le fel, que tous les principes
dont le lang eft compofé , ne
s’entrechoquent qu’autant qu’il
le faut dans le mouvement où
ils font » d’où dépend la vie.
DU SANG HUMAIN. 41
30.
Raifons qui prouvent que toutes
nos maladies viennent du feul
défaut de digejliôn.
Nous remarquerons aifément
que tous les délordres qui arri¬
vent dans la machine procèdent
du fèul défaut de digeftion»
fource de toute maladie ; ce qui
arrive lorfque le diffolvant de
l’eftomac n’â pas radicalement
diffout les alimens en ne faifànt
que les écarter & les divifèr,
n’agiffant en cela que comme
l’eau régale fur l’or, & l’eau forte
fur l’argent; de nos mauvailès
digeltions rélulte une maffe glai*
reufè & vifqueufe qui fouvent
demeure au fond de l’eftomac ,
parce que les refTorts, quoique
dans leur état naturel, n’ont pas
la force de les pouffer dans les
boyaux.
4 2 Le Conservateur
Les perfonnes fur qui cela fe
pâlie, ièntent encore du matin
au foir & du loir au lendemain,
les vapeurs d’un aliment qui n’a
point paiïe 8 c qui eft encore in-
diffous ; que s’il arrive que pe-
tit-à-petit il defcende dans les
boyaux, cpmme il n’a point été
radicalement difTout dans l’ef-
tomac , la dilfolution ne fe fait
qu’avec effort contre les parois
des boyaux, ce qui trouble fi
fort le fujet en qui cela fe paffe
par une infinité de nerfs qui ré¬
pondent au cœur & au cerveau ,•
que quand cette digeflion de¬
vient habituèlie, l’imagination
fe trouve bleflee & le malade
devient fujet à des terreurs pa-
niques qui lui prennent fùr-tout
la nuit, 8 c l’engagent dans des
rêves fatiguans & affreux.
Il arrive encore un autre in¬
convénient dans les perfonnes
DU SANG HUMAIN.
qui mangent beaucoup, & en
qui la digeflion le fait lente¬
ment; cette malle d’alimens
vilqueufc & glaireufe s’attache
aux parois de l’eftomac 8c des
boÿaux, empêche par-là Fac¬
tion du diflblvant de feftomac
& qu’il ne le fade allez fentir
pour exciter Fappétit ; ces mê¬
mes vilcolités bouchant le paf*
fage au cours ordinaire de la
bile , la forcent à refluer, même
dans Feftomac , dans lequel ve¬
nant à le mêler avec Ion dilïbl-
vant , il s’y fait un bouillonne¬
ment qui caufe des ébranlemëns
de nerfs qui excitent des dou¬
leurs de tête, des naufées, des
tendons de bas ventre, des co¬
liques & quelquefois des tranfi
ports au cerveau.
torique les parties âcres &
corrolives de la bile viennent à
fè développer 8c à fè raréfier *
44 Le Conservateur
elles fe portent plus loin, & eau*
fent un mouvement & .une ra¬
pidité dans la mafTe du fang 8c.
dans les efprits qui en dérangent
toutes les parties 8c pour lors
les poulmons, le foie & tout le
refte du corps eft en feu , parce
que la bile eft dans les animaux
ce que le loufre 8c le bitume eft
à la terre entière.
3 I *
Comparaifon de la hile en nous y
avec le foufre dans le globe
Mrrejlre.
Il faut regarder la bile dans
fon état naturel comme le fo u-
fre dans les minières de la terre>
fes effets font toujours bienfài-
lans quand il ne trouve point
un trop grand feu qui l’excite &
l’enflamme ; il eft l’ame du glo¬
be terreftre : âu lieu que s’il
DU SANG HUMAIN. 4?
Vient à s’enflammer il s’en fé-
pare un corrofif fi violent ,
qu’une feule goutte en mouve¬
ment fatigue l’odorat au point
qu’il ne peut foutenir fbn im-
preflion.
Les effets de la bile dans les
animaux font les mêmes, quand
rien n’intercepte fbn cours, elle
fe mêle aux alimens 8c porte la
douceur dans toutes les parties »
elle fait la féparation du pur 8c
de l’impur ; s’il arrive au con¬
traire qu’elle fbit arrêtée 8c ren¬
fermée quelque part, tant par
ion propre feu que par celui des
parties voifines, elle fait des
écarts 8c des explofions comme
la poudre à canon, 8c pour lors
les fècouffes, les feux 8c les
flammes, enflamment 8c con-
fument la machine.
Des grands mangeurs qui fur- x
chargent leur eftomac tora-
4 6 Le Conservateur
bent facilement dans ces acci-
dens, de même que ceux qui
par des alimens gras & huileux
peu proportionnes à la nature
du diflblvant, l’enveloppent &
le rendent incapable d’agir,
Les grandes pallions trou¬
blent aulli la digeftion, car le
cerveau eft comme un foleil, &
les nerfs qui s’y trouvent atta¬
chés font comme autant de
rayons qui portent un feu qui
iert à toutes les opérations du
fujet 9 Sl d’autant que la digef
tion eft la principale, elle eft
rallentie lorlque ce feu lui man¬
que r Sc c-eft laiburce des-eru*
dites.'' ' r ' cti _ _
Or dans l’ordre de la nature
tout levain communique de iWr
pece de Ion levain dans les
corps auxquels il fè mêle , ces
matières venant à entrer. & à
pâlïèr par leurs conduits ordi-
DU SANG HUMAIN. 47
naires, nondeulement troublent
le fan g , mais encore elles l’ai-
griflent, ce qui fait que par un
poids confidérable de ces matiè¬
res la nature eft tout d’un coup
accablée , & qu’on fe font rom¬
pu & brifé..
. Cet état provient de la réiîf-
tance & de l’effort que les e£
prits font quand le coagul com¬
mence, & que répaiffiffement
arrive dans ces liqueurs.
Beaucoup de Médecins ne
font aucune réflexion à cette e£
pece de maladie, ils la mépri¬
rent dans là naiffance ; mais
voyant arriver en&ite des acci-
dens confidérables, ils difonten
eux-mêmes que cette malignité
ne leur étoit point connue.
Quand les matières qui s’in-
troduifont dans la mafle du lang
font fuffifamment cuites & di¬
gérées, elles ne forment aucun
48 Le Conservateur
dérangement, parce que fl Ton
confulte les réglés de la nature,
on verra que les corps de même
efpece s’entrepénétrent aifément
& prefque fans qu’on s’en ap«
perçoive, comme nous l’avons
fait remarquer du &1&. de l’eau.
Je vais ajouter trois expérien¬
ces à celles que j’ai déjà citées.
52.
Trois expériences qui prouvent
que tanalogie des corps eft né'
cejjaire à leur mélange parfaiû
Prenez de l’huile de vitriol,
féparez-en le flegme, remettez*
le dans la même huile, il n’arri¬
vera aucune efFervelcence, par¬
ce que cette eau a été tirée de
fon corps de la même nature
dont elle eft elle-même, & quoi¬
que vous en verliez beaucoup il
ne fe paflera rien de violent ;
mais
©U SANS HUMAIN.' 0
friais fi vous prenez de telle au¬
tre eau ou liqueur qu’il vous
plaira, même diftillée, elle pro¬
duira une fi grande chaleur que
vous ne pourrez tenir la main
tranquillement fur le vafè qui
contient ce mélange»
Voici une fécondé expérience.
Prenez du foufre commun,
verfez defTus telle eau ou tel
difïbivant falin qu’il vous plai¬
ra , comme l’eau forte, l’efprit-
de-vin, le vinaigre, l’eau pure
ou l’huile de vitriol , aucun n’y
mordra ; mais fi vous le mettez
non-feulement dans des huiles
& des bitumes terreftres, mais
même dans des huiles ordinai¬
res , il s’y mêlera comme l’huile
commune & la cire.
Voici une troifiéme expé¬
rience.
Prenez de l’or en limaille fine,
mêlez-le promptement avec du
5© Le Conservateur
mercure échauffé, ils fe péné¬
treront fi bien , & fe lieront fi
intimement, qu’ils fembleront
n’être qu’un même corps, 5 c
cela d’une maniéré douce & im¬
perceptible ; mais fi vous le mê¬
lez avec de l’eau régale il en
fortira une fumée d’une odeur
infupportable, accompagnée de
bruit & dé bouillonnement }
parce que for n’eft ni de,fana?
ture dé l’urine , ni.du.fàlpêtre, ni
du fel marin dont l’eau régate
efl compofée, mais bien de celle
du mercure que les Phiiofophes
ont appelle l’eau de l’or, .
33 , -V'
Réponfes à quâtre objections fé-
duifantes en faveur de la Jd 'i¬
gnée.
Mais je vais répondre au^qua*
tre féduifantes objections : qui
DU SANG HUMAIN. JÎ
m’ont été faites, & que je vais
rapporter encore pour la com¬
modité du le&eur.
i°. Quand le fang ne circule
pas librement il faut le diminuer ,
afin de lui donner de £air f SC fa*
ciliter fon mouvement .
Je réponds à cette première
objeéfcion, qu’après les expérien¬
ces que je viens de donner , on
peut voir que la circulation fe
trouve gênée par la qualité des
alimens infuffifamment difîous,
Î >arce qu’ils n etoient point ana-
ogues au tempérament du
malade & à la matière difTol-
vante qui fe trouvoit dans fon
eliomac : ainfi je juge qu’un
lavement convenable feroit plus
efficace, parce qu’en dégageant
les premières voies il donneroit
fùffifemment d’air à tous les ca¬
naux qui s’y rendent.
2°. La faignée rajfraichit le
ci i
$2 Le Conservateur
fang qui ejl échauffé plus quilné
faut.
Je réponds que la faignée, en
détruifant une portion de la
chaleur vitale, femble raffraî-
chir ; mais on peut donner à fon
calme le nom de refroidifïe*
ment : en effet nous voyons fou-
vent que, trois ou quatre heures
après ion opération, la fièvre de¬
vient encore plus forte, quoi¬
que le malade foit infiniment
plus foible : une liqueur béni¬
gne , capable de précipiter les
mauvais levains qui caufent la
fermentation de la bile, me pa-
roîtroit infiniment plus conve¬
nable.
3 Une chaleur ou un mouve¬
ment excefjîfdu fang , peut rompre
les valffeaux qui le contiennent ,
par-ïa faire tomber le fang extra-
vafé fur quelque partie noble ,
dans laquelle venant cl pourrir , il
DU SANG HUMAIN.'
feroit câuje de la dejlruclion du
fujet.
Cette chaleur exceffîve du
làng ayant pour principe le peu
d’analogie des humeurs dont il
eft l’extrait, il eft clair qu’un la-
vement donné à propos rafraî¬
chira davantage qu’une laignée ;
d’ailleurs il dilpolè à la lueur
qui contribue beaucoup à déga¬
ger le malade, un vomitif doux
pourroit auflî convenir dans
cette occalion.
4. 0 . Les hommes qui mangent
beaucoup SC Je nourrirent dali¬
ment très-fucculens, forment une
quantité de fang capable de les
fujjoquer , par conféquent la fai-
gnée ejl le feul remede conve¬
nable.
Je réponds au contraire que
par conséquent c’eft le remede
le plus dangereux, puilqu’il eft
mortel dans l’indigeftion, &
C iij
$4 Le Conservateur
que tous ces grands mangeurs
font , prefque chaque jour de leur
vie , dans le cas d’indigeflion :
des vomitifs, des lavemens &
des cordiaux enfuite, me pa«
roilfent beaucoup plus efficaces,
& nont rien de dangereux.
34 *
Preuves de t inutilité de la
Jaignée .
Ce qui m’a toujours fait en¬
trevoir l’opération de la faignée
comme la plus inutile, le voici :
j’ai remarqué que la nature fai-
foit toutes fes opérations en dif-
folvant & en coagulant ; le
mauvais levain qui s’introduit
dans la malle du fang pour le
vicier, eft donc coagulant ou
fondant ; or quand un levain
fùpérieur en a changé, ou tra¬
vaille à en changer un autre ên
DU SANG HUMAIN. Jf
fa nature* il eft impoflible qu’en
diminuant ou retranchant une
partie du corps qui! pénétre,
on puiffe empêcher ce change¬
ment ; mais on pourroit y par¬
venir en introduifant un autre
levain fupérieur à celui qui pro¬
duisit un mauvais effet, parce
qu’il donneroit un mouvement
convenable au fùjet, 8c capable
de lui rendre là circulation na¬
turelle. . . ..
En effet quand la faignée fa¬
ciliter oit une plus libre entrée à
l’air dans la maffe du lang, 8c
que par cet air introduit elle y
exciteroit un plus grand mou¬
vement > Ion adbion fe termine-
roit toujours félon la loi du plus
fort.
L’expérience le prouve fur
les gens empoifonnés par des
odeurs ou des vapeurs malignes,
ou enfin de mauvais fucs qui
C iv
5 $ Le Conservateur
peuvent s engendrer chez nous,
& produire les mêmes effets,
auxquels cas la fàignée eft mor¬
telle.
La raifbn de cette expérience
eft fènfible, on donne lieu par
l’ouverture de la veine, à une
déperdition d’efprits & du feu
qui fervoit à combattre ces cor¬
pulentes malins, & pou voit, par
une cuite douce & modérée,
ou par des circulations réité¬
rées , leur faire changer de qua¬
lité, ou les évacuer par les voies
marquées par la nature pour la
féparation du pur & de l’impur.
Voila l’effet naturel de la fài¬
gnée, & non ce prétendu raf-
fraîchiffement ni cette liberté
de circulation par le fecours de
l’introduâion de l’air.
On ne manquera pas de dire
qu’on voit tous les jours des ma¬
lades guérir par la laignée; mais
DU SANG HUMAIN.
un homme ne peut-il pas rece¬
voir dix coups d’épée & en re¬
venir ? ne peut-il pas avoir des
hémorragies & n’y pas fuccom-
ber ? Croit-on qu’il ne feroit pas
poflible de guérir un homme
de la fièvre après lui avoir coupé
les deux oreilles ? S’enfuivra-t-ii
qu’il faudra commencer par les
couper avant tout autre remede,
à tous ceux qui fe trouveront
dans le cas d’avoir la fièvre ?
D’ailleurs je demande où font
les réglés qui vous indiquent la
quantité de fang qu’il faut tirer
à un malade ? Eft-ce , comme
dit Galien dans un endroit de
fes œuvres alTez connu 9 jufqu’à
ce que le fujet tombe en défail¬
lance Ion en tireroit donc bien
peu à ceux que la feule piquure
fait trouver mal. Eft-ce par le
coloris? Eft-ce par la confiftan^
ce du lang, ou parce qu’il coule
Cv
*8 Le Conservateur
bien ? Mais les variations & le
peu de folidité qu’on remarque
en tout cela dans la pratique de
ce remede , nous font voir le con¬
traire.
Mais , dira-t-on, quel remede
plus paillant dans les maladies
des femmes ? Qu’on s’en infor¬
me dans les Couvens de Reli-
f ieufes, c’eft le remede qui leur
onne le plus prompt foulage-
ment ; ne voit-on pas la nécefïïté
indilpenfable de faigner dans
l’elquinancie & les fluxions de
poitrine? Voila fans doute les
colonnes de la faignée, & le
Médecin qui tue fon malade
dans l’un de ces cas, ou dans tous
BU SANG HUMAIN. ’
3T*
La faignée réjettée dans les
fluxions de poitrine.
Je dirai donc que ce qui fait
la fluxion de poitrine eit une
matière encore contenue dans
lgs vaifleaux,ou extravafée fi.
elle eft contenue dans les vaifi-
feaux, le même gonflement &
la même preflîon qui- le fait aux
poumons, fie feroit aufli aux ta¬
lons fl les poumons y étoient
placés» & dans ce cas faignez
ou ne faignez pas > tant que le
fang eft contenu dans fies y aies »
la nature a mille moyens de Ce
débarrafler de ce qui l’agite :
cette maladie n’a befoin que de
régime 8c point du tout de re-
mede.
Mais la difficulté roule feule¬
ment fur ce que les matières Ce
C vj
6 o Le Conservateur
trouvent extravafées dans la
poitrine : examinons comment
par la faignée on peut leur faire
reprendre les voies par lefquel-
les elles s’étoient échappées. Je
dis donc que le mouvement de
la matière extravafée eft plus
grand que celui de la matière
encore contenue dans les vaif-
feaux , ou qu'il eft moindre. S’il
eft plus grand , mal-à-propos fai-
gnez-vous; parce que la matière »
par cette fupériorité d’action 8c
de mouvement, peut rentrer
dans ion lit ou s’échapper à tra¬
vers les pôres en forme de lueur
ou de vapeur, moment fi déliré
dans ces fortes de maladies.
Mais comme la difficulté ne
eonfîfte qu’en ce que la matière
extravafée a perdu de fon mou¬
vement, quand la caufe de la
maladie feroit dans la mafle du
fang r comment la faignée pour-
DU SANG HUMAIN. 6f
roit-elle la détruire ? Car ou la
faignée augmente le mouve¬
ment du fang, ou elle le dimi¬
nue; fi elle le diminue , ces
matières déjà congelées s epaifi
liront encore, par- là feront
moins en état de rentrer dans
la mafle du fang ou de trànfpi-
rer par les pôres.
Si, au contraire, la faignée
augmente le mouvement des
liqueurs contenues dans les vei¬
nes & dans les artères, l’effort
de celle-ci étant fupérieur à l’au¬
tre, l’empêchera de reprendre
la voie pa» où elle s’eft échappée.
36.
La faignée contraire dans la
plénitude.
Difons encore quelque chofè
fur la fauffe idée de quelques-
uns , que la faignée eft mdifpen-
6 z Le Conservateur
fable dans la plénitude.
Remarquons avec attentiori
que la plénitude procède de fucs
cuits & digérés, ou bien de fucs
cruds & imparfaits ; fi elle pro-*
cède de fucs cuits, leur mélange
au fang n’y portera nul dérange*?
ment, parce que, comme je lai
démontré, les corps de même
nature fe pénétrent facilement :
que fi la machine fe trouve fur-
chargée de ce foc, des laveraenâ
& la diète feront bien fuffifans ;
j ôterai donc à ce malade une
portion de fa nourriture & non
pas des palettes de fàng , voilà
le vrai remede à ces fortes de
plénitudes : en faignant on ôte
le feu de la nature , on/la prive
par là des moyens de fe purifier
elle-même.
Il y à une autre plénitude qui
fe fait & procède de matières
indigeftes, celles-ci produifènÊ
DU SANG HUMAIN. '6%
Ordinairement les dérangemens
& le mouvement périodique' du
fa ng qu’on appelle fièvre : fi ,
comme on a lieu de le croire ,
la caufe de Ces fièvres eft dans
Feftomac Sù dans les boyaux ,
par des crudités retenues qui
fermentent & bouillonnent,
fermentation qui fait qu’une
goutte de matière raréfiée oc*
eupe la place de plufieurs, &
forme une tenfion confidérable
contre les parois des boyaux ;
plus vous Alignerez en cette oc-
eafion, plus vous facilitez l’en¬
trée à ces matières dans la malle
du fang., de même qu’à l’air ;
par ce moyen l’efièrvefcence y
fera plus grande, 8c loin de
calmer fon mouvement & fon
feu, d’empêcher la rupture des
vaifTeaux & l’épanchement du
fang, vous donnez lieu à tous
ces délbrdres ; puifque ces cru*
#4 Le Conservateur
dites font les mêmes écarts dans
le fàng que le bois verd dans un
grand feu.
Pour prouver de plus en plus
que la faignée eft contraire dans
ces fortes de plénitudes? puis¬
qu'elle donne lieu aux crudités
de s’infinuer dans la mafle du
fang, je veux que Ton fafle at¬
tention qu’une liqueur qui fè
meût, & qui fè trouve étroite*
ment renfermée, fe gliffe tou¬
jours du côté le plus foible *. aufS
voyons-nous qu’après une fai¬
gnée , dans pareil cas, quoi¬
qu’un moment après il paroifFe
un peu de calme par la difïïpa-
tion des efprits, peu de tems
après les matières redoublant
leurs efforts, prouvent bien que
ce calme n’étoit qu’apparent ,
& l’air qui vient de prendre la
place du fàng qu’on a tiré, étant
compofé de parties plus flexir?
DU SANG HUMAIN.
blés j réiiflera moins aux crudi¬
tés qui fermentent j & fe gliffe-
ront fans peine dans les veines
par les mêmes conduits qui por¬
tent le chyle ou fuc nourricier.
Au lieu que li lon avoit laide le
4àng dans les veines 9 fes parties
par leur effort lupérieur fe fè-
roient oppofées au paffage des
fucs indigeftes.
37.
On Jemble faire de la faignée
un remede univerfeL
On fe moque des gens qui
prétendent avoir un même re¬
mede pour toutes les maladies ,
& cependant l’on ordonne la
faignée dans tous les cas, quelle
extravagance !
On ell fi généralement pré¬
venu que toutes les maladies
proviennent de chaleur > qu’on
66 Le Conservateur
ne fauroit propofer aucun ré4
mede chaud à un malade dans
la fièvre, quand même il de-,
vroit donner le calme à la ma¬
chine ; ridée des malades eft fi
fort échauffée là-deffus , que s’il
arrive qu’ils en ayent pris quel-
ques-uns, quoiqu’il leur: Ibit là-
lutaire, & qu’ils reviennent en
fanté, fans avoir paffé par ces
milieux cruels où le malade, par
foibleffes & fes indigeflions,
fouffre mille fois plus que dans
le principe de fa maladie ; s’il
arrive enfin qu’il retombe fix
mois ou un an après, ce malade
n’en voudra point entendre par¬
ler j & nulle raifon ne le rappel¬
lera , prévenu qu’il eft par un
Médecin jaloux qui lui a fait un
monftre de ce remede; cepen¬
dant il eft des remedes échauf-
fans qui raffraîchifTent dans cer¬
tains cas 3 & j’ai remarqué que
DU SANG HUMAIN. Cj
le foufre en poudre donné à la
dofe d’un gros ou deux dans un
véhicule convenable pendant
deux ou trois jours , étoit un
grand fpécifique pour la fièvre.
38.
Echauffans qui raffraichijfenu
On parvient à rafïraîchir un
jeune homme de vingt-cinq ans
par lufage de lefprit de fel, de
îoufre & de vitriol , qui forme-
roient une eau forte vigoureufe,
& qui font des remedes de feu.
Un vieillard, qui la plupart
du tems n’eft échauffé que par
la fermentation des crudités de
fon eftomac, retrouve le cal¬
me de fon fang dans lufage des
aromates, du bon vin vieux
avec du focre, dans les alimens
de bon fuc, parce que ces cru¬
dités fe trouvent éteintes par la
68 Le Conservateur
maturité fupérieure des alimens >
capables de leur donner ce qui
leur manquoit pour arriver à
une digeftion parfaite.
Voila donc le cas de pouvoir
annoncer qu’un Médecin pru-*
dent qui connoît fon malade^
peut employer des échauffans
qui raffraîchilTent.
D’après ces railonnemens,
que l’on employé la faignée, le
petit lait & l’eau pannée dans
toutes fortes de maladies indif¬
féremment, ma confolation fera
d’avoir rempli mes devoirs en¬
vers le public, en lui découvrant
une erreur qui lui efl préjudicia¬
ble , & lui épargnant une opé¬
ration qui n’eft que trop fouvent
irréparable.
DU SANG HUMAIN. 6ÿ
39 -
La faignée contraire dans les
maladies habituelles .
Par exemple, dans les mala¬
dies habituelles, à quoi la fai¬
gnée peut-elle être bonne ? Car
enfin dans les maladies habi¬
tuelles, les liqueurs ont fi fort
changé de nature, qu’il efl: im-
poflible, quand même la lài-
gnée feroit de plus grands chan-
gemens qu’elle n’eft accoutu¬
mée d’en faire , qu’elle pût en
produire un afiez prompt pour
rétablir le fang 8c lès elprits dans
leur premier état. L’arbre de
trente ans ne s’arrache pas avec
la même facilité que celui d’un
mois : aux maladies habituelles
il faudra donc des remedes ha¬
bituels, car outre le défordre
des liqueurs, les organes ont
7© Le Conservateur
fouffert de fi fâcheufes impref-
fions, que les remedes les plus
fpécifiques perdent leur aâion |
en travaillant à la deftru&ion
de l’humeur, ce défordre nuit
fouvent à l’état des malades, &
empêche le bien qu’ils pour»
roient refFentir du bon effet &
du changement que ces reme¬
des lèroient dans le cas de pro*
duire.
Voila ce qui met le plus grand
©bftacle à la guérifon des mala¬
dies habituelles ou chroniques,
dans lefquelles des Chirurgiens
ignorans ou des Médecins peu
habiles ordonnent la faignée
comme par précaution; cela
n arrive que trop chaque jour.
40;
La vie eji dans le fang.
On ne doute nullement que
DU SANG HUMAIN. 7I
la vie ne Toit dans le fang, que
cette liqueur néceïïaire au mou¬
vement de là machine, ne puiiTe
être diminuée fans quon affoi-
blifle fôn principe, & qu’on
n’emporte en mêmé-tems quel¬
que portion précieufe de cet hu¬
mide radical né avec nous, qui
efl l’huile de notre lampe & le
baume qui nous fait vivre ;
baume qui n’a pourtant qu’une
certaine étendue d’où dépend
le nombre de nos jours : il eft
donc impoflible de rencontrer
une vieilleffe heureule dans un
lùjet que l’on aura louvent
faigné.
4 1 *
La faignee contraire dans
topprejjion .
On faigne communément
pour les difficultés de relpirer,
je ^oudrois cependant qu’qn.
72 Le Conservateur
examinât, avec attention, qué
fouvent cette difficulté de ref-
pirer & loppreflîon de poitri-
ne, procède de quelqu’humi-
dité ou dun dépôt malin qui
s’eft formé fer le poumon : il
ne faut donc pas confondre les
inflammations de poitrine avec
toutes les difficultés de ïefpirer*
& la faignée fera toujours per-
nicieufe dans ces deux cas ; car
les efprits alors font fi inférieurs*
& aux férofités qui caufent Y afth-
me, & à l’humeur maligne can¬
tonnée dans les poumons, quils
ne fçauroient la mettre en mou¬
vement, & lui procurer là çi$
culation néceflaire, pour que la
nature puifle la féparer par des
conduits deflinés à ces ufagès *
& par-là, décharger le pou¬
mon qui fe trouve formé ' <f un
tiffu foible & le plus délié, pat
conféquent très-fufeeptible d’êr
tre
• DU SANG HUMAIN. yg
tre abbreuvé de ces fortes de
matières, & moins en état par
la foible/fo de fos refforts, de s’en
débarraffer : ainû bien loin de
diminuer fos efprits adifs com¬
me il arrive par la faignée, il
faudroit au contraire, s’il fo
pouvoir, lui en fournir de nou¬
veaux.
42.
La faignée inutile dans les
fupprejjions.
On ordonne communément
la faignée du pied dans les rap¬
prenions qui arrivent aux fem¬
mes ; mais ne foroit-il pas plus à
propos de donner quelque chofo
qui fortifie l’eltomac, & lui don¬
ne la facilité de précipiter les
mauvais levains qui empêchent
qu’il ne puiffo faire la réparation
du pur & de l’impur,] ce, qui?
«arrive pas par l’effet de la fai-
74 Le Conservateur
gnée ; car outre quelle ni mite
en rien l’opération de la nature,
qui ne rejette que l’impur par
les réglés des femmes , elle af-
foiblit encore l’eftomaç, & fou-
vent il arrive i à la fuite de ces
fortes d’évacuations, que les ma¬
lades font tourmentés de maux
de tête pendant des années » &
que ces mêmes; foppreflïons ar¬
rivent d’autres mois, ou dégénè¬
rent en pertes par le relâche¬
ment confîdérable que la fai-
gnée a produit fur les libres, par
rintroduéfion des focs aqueux
8l trop chargés de flegme.
à.zilq c.Gq. zlrm .jt
. 43:
La faignée. contraire dans cer¬
taines apopléiïiès.
Quoique je ne défapprouve
pas: abfolument uneiai gnée dans
T'attaque d’apoplexie > for^tout fl
DU SANG HUMAIN. *jf -
fon fe trouve privé ou trop éloi¬
gné des autres remedes, cepen¬
dant il fera de la prudence d’exa¬
miner fcrupuleufement toutes
les circonftances de la maladie;
il faudra s’informer des affiltans
de la façon de vivre du malade r
examiner Ion coloris , l’habitude
du corps, fçavoir Ion âge & pe-
fer Ion tempérament : car li le
malade étoit tombé dans cet ac¬
cident par un ufàge fréquent
d’alimens ou de remedes, qui,
ayant affoibli les digeftions ,
auraient privé la nature de ces
efprits moteurs qui donnent l’ac¬
tion à toute la machine, la fai-
gnée ferait pernicieufe.
Il en feroit de même li le
grand âge ou la foiblelTe du
tempérament, occafionnoient le
défaut de chaleur & de mouve¬
ment.
Lorfqu’il arrive dans une in-
Dij
' i & Le Conservateur
flammation que le fang fe foie
allumé , ou par quelque paillon
vio lente,ou par quelquautrecau'
fe inconnue, que ce fang raréfié
ait rompu les canaux qui le con¬
tiennent , & que l’épanchement
de cette liqueur foit déjà fait
dans le cerveau, ce qui forme
plus particulièrement le danger
évident du malade , la faignée
feroit encore contraire, parce
que, comme il faut de toute né-
ceflïté que la matière extravafée
foit fondue, raréfiée, ou quelle
pourriffe pour être enfuite pouf
fée dehors par les refforts de la
partie, à quoi la faignée ne peut
qu’être un obftacle ; il s’enfuit
que par la perte & la diffipatioo
du feu qu’elle évaporeroit, la
nature s’en trouvant privée, de-
meureroit languifiante Si hors
d’état d’opérer heureufèment.
SANG HUMAIN/ 77
44 *
Les {félàyans SC les purgatifs
font fort au-de fus de la fai -
gnee.
D’où l’on peut^conclure que
les délayans , les purgatifs » les
abforbans ou les confortatifs ,
font des remedes bien au-defTus
de la faignée : car fouvent quand
le Médecin différé d’attaquer
l’humeur peccante, en s’amufant
ù donner des apofêmes & des
tifànes, ou enfin à afïoiblir
ion malade par la faignée, une
maladie en foi très-légere de¬
vient de la derniere conféquence
& fouvent mortelle.
Il ne faut donc jamais épuifer
un malade par des faignées ni
par une diète trop févere , dont
on ne doit attendre fouvent que
les événemens les plus fâcheux.
D iij
7*8 Le Conservateur
4L
Quarante-huit différentes ohfet»
valions de Laurent Scholfius ,
Médecin fameux , avant d’en
venir à la faignée.
Je fuppofè même qu’il fe
trouve des cas indifpenlàbles
pour placer la faignée, il y a
tant d’obfervations à faire avant
que de'la hazarder , qu’il fau-
droit autant convenir ae bonne
foi qu’elle eft toujours perni-
cieufe & fou vent mortelle ;
voyons ce qu’en penfe Laurent
Scholfius, Médecin célèbre, je
me luis amufé à recueillir toutes
les exceptions qu’ilindique avant
d’employer la faignée , elles fe
montent au nombre de quaran¬
te-huit, &, tout bien combiné -,
comme on le verra, je ne vois
pas une feule maladie où le m#
DU SANG HU'AtÀlti. ■%
jade ne fe trouve dans le > cas
d’une de les exceptions. •
i°. Lorfqueles humeurs font
brouillées, dit-il, la daignée
ne peut être que très-mal-à-
propos ordonnée, parce qu’il
ne fe peut faire aucune fépa-
ration du pur & de l’impur.
2^. Toute faignée trop abon¬
dante fait empirer l’humeur
peccante.
3°. Comme la faignée inter¬
rompt la nature dans fes Opé¬
rations , il ne faudra point
faigner un homme conftipé;
il convient mieux de lui lâ¬
cher le ventre par des émoi-
liens.
Ne daignez point après une
longue maladie ni lorfque
l’eftomac eft plein.
5°. Né feignez point une femme
enceinte, parce que fes hu-
D iv
Sto Le Conservateur
meurs font abondantes, crues,
& indigeftes.
4 °. Ne faignez point une femme
qui a fes régies, on qui va les
avoir.
7°. Gardez-vous bien de faigner
ceux dont le ventricule eft
foibîe.
8 *. La faignée eft contraire dans
les grandes chaleurs.
5>°. La faignée eft contraire dans
les grands froids.
20®. On ne faignera point après
le coït.
>i°. La faignée eft mortelle
après les repas.
i2°. On ne faignera point dans
l’enfance.
ij°. La faignée eft mortelle aux
vieillards.
14°. La faignée eft contraire
dans les maladies chroniques.
15°. Ne faignez point quelqu’un
DÛ SANG HUMAIN. Si
d’un tempérament froid.
1 6°. La faignée eft contraire à
quelqu’un d’un tempérament
lec.
17 0 . Il ne faut point laigner
pendant la fièvre.
18 0 . Ne faignez point le jour
même que la maladie fe ma-
nifelle.
ip°. La faignée caulè. en au¬
tomne l’embarras de la vûe
8 c fbuvent l’aveuglement.
20°. Il faut avoir égard aux vei¬
nes que l’on doit ouvrir ; celle
du bras doit être ouverte à
jeun ; celle des mains, des
jambes, des pieds, de la tête,
exceptq celle de deflous le
menton, doit être ouverte
l’après midi, digeftion faite.
2i°. Ne faignez point plufieurs
fois dans l’année, car en éva¬
cuant le làng on perd beau¬
coup d’eforit vital, & moins
Dv
82 Le Conservateur
il en relie, plus le corps dépé-
rit & devient foible.
22°. Quand on ouvre la veine il
faut bien examiner la couleur
du fang, s’il n’eft point épais
& noir, la faignée eft con¬
traire.
zf. Si lorfquon ouvre la veine
le fang fort d’un beau rou¬
ge , il faut la refermer fur le
champ y car la faignée lèroit
très-contraire..
24 0 . On rifque beaucoup de
faire faire une faufFe couche
à la femme groffe que l’on
làigne, doit dans les premiers
jours de la grofFeffe ou dans
les derniers.
25*0. Ceux que l’on a faignés
fouvent dans-leur jeuneffe?
deviennent à l’âge de loixante
ans foibles & débiles, parce
que la chaleur naturelle fe
trouve fuffoquée chez eux?
DU SANG HUMAIN. 8?
fur-tout s’ils font d’un tem¬
pérament froid Sl humide ,
la fréquente làignée donne
même cette mauvaifo com-
plexion.
2.6°, Vous ne faignerez jamais
moins de trois jours après
qu’une forte évacuation for-
venue aura eeffé.
27°. Si vous traitez quelqu’un
d’un ellomac cacochyme »
commencez par l’évacuer ,
vous le fortifierez enfuite
avant d’employer la làignée.
28°. Ceux.qui ont atteint l’âge
. de quarante ans doivent être
faignés en vieille luné.
2p°. Lès adolefcens doivent être
faignés dans la nouvelle.
30°. Les jeunes gens depuis
vingtrCinq ans jufqu’à qua¬
rante 5 doivent, . être l faignés
dans les quartiers de la lune.
31 0 . On ne daignera dans.des
D vj
1
84 Le CoNSEk vateür.
fièvres tierces qu’au troifiéme
* ou quatrième accès, afin d’at*
tendre que la nature ait ré¬
paré l’humeur peccante.
5 2 0 . Quand on faigne dans les
fièvres bilieufes, il faut tirer
bien peu de fang, crainte que
labile s’enflamme davantage;
car l’humidité ou lymphe du
làng fert de frein à la bile.
33 e . Ne faignez point un corps
afibibli par quelques caufes
que ce loit.
34°. La fàignée caufe fouvent la
paralyfie, on doit s’abftenir
par confëquent de fàigner un
paralytique.
-y y?. Quand la couleur du tein
ell mauvaife il faut bien fe
' garder de faigner.
j 6°. Il faut bien prendre garde
que la daignée eft mortelle à
un convalefcent.
37°. On ne faignera point ce-j
EȆ SANG HUMAIN. 8f
lui dont les humeurs crafles
abondent.
38°. La faignéë eft mortelle au
lortir du bain.
5_9°. La daignée devient perni-
cieufe après un exercice vio¬
lent, ou une marche forcée.
^o°. Un malade ne peut être
daigné pendant la plus légère
tranfpiration, dans un danger
de mort'
41 0 . N’ouvrez jamais la veine
dans un tems d’oràge, parce
qu alors l’air portera Ion vice
dans le fang.
^2°. Souvent une faignée caufe
l’évanouifTement ou fyncope,
la cachexie, la décoloration
du tein, la difficulté de refpi-
rer ou orthopnie, la ruine de
l’eftomac, la perte d’appétit,
l’enflure des pieds & fouvent
de tout le corps.
43°* Malgré la pléthore, quand
$6 Le Conservateur
les réglés ou leshémorrhoïdes
fluent, il ne faudra faigner
qu’après le flux celle..
44. 0 . Quand la veine eft ouverte
tâtez le-pouls du malade ; s’il
• manque, fermez fur le champ
la veine, & faites avaler au
malade du pain trempé dans
de très-bon vin, du firop d e-
pine vinette, ou du jus de
citron ; faites-en de même fi
vous vous appercevez que le
pouls foit trémulent.
Vuidez le ventre & la vef-
iie, s’il eft poflible , avant de
laigner. '
4<5°. Ménagez le lang des per-
fonnes grades, car elles en
ont peu.
47°. Quand le fang commence
à couler, faites-en tomber une
ou deux gouttes dans un verre
d’eau, s’il fe précipite au fond
du vafe, il eft trop épais ; s’il
DU SAN G HUMAIN. îj
lùrnage & qu’il le dilToive
fur le champ avec l’eau, il
eft trop aqueux .; s’il nagé
entre deux eaux il eft bon,
vous, refermerez donc Hir le
* champ la veine. • ' B ,-
48°. La petite quantité de îang
pur proportionnée à la gran¬
de quantité de mauvais lues „
doit faire généralement rejet-
ter la faignée.
Quelles foules d’exceptions !
Combien d’oblèrvations fàges
8 c importantes ! Et combien peu
veulent en faire les partilàns ou¬
trés de la faignée !
46.
JJ art du Médecin conjîjle à dé¬
couvrir P humeur-peccante*
J’ai démontré plus haut que
notre fang étoit formé des ef-
prits les plus purs de chacune
88 Le Conservateur
des humeurs ; lorfqu’il femble
vicieux, c’eft donc par la fura-
bondance ou la mauvaile difpo*
fition de lune d’elles. L’habileté
du Médecin confiftera donc
particulièrement àfçavoir la dé~
couvrir, à la forcer dans fes re^
tranchemens, enfin à la diftin*
guer afTez pour l’attaquer feule,
en ménageant le plus foigneufe-
ment les autres.
Ce principe pofé, quels fe-
cours attendre de la faignée ï
N emportera-t-elle que l’humeur
viciée ? Cette humeur Ce prélen*
tera-t-elle à l’ouverture de la
veine pour fbrtir la première ?
non fans douté , puilque chaque
humeur, à proportion de fon
vice, devient plus épaifie, par
conféquent plus lourde, & de-là
plus incapable de mouvement;
mais remarquons plutôt que l’ef
prit le plus fubtil des trois prîn-
bu SANG humain; Sp
fcipes s’échappe le premier, par¬
ce qu’à proportion de la plus
grande pureté , il elt plus léger,
plus vif, & de-là plus facile à
s’évaporer le premier à l’ouver¬
ture de la veine ; de quel prix
cependant ne nous eft pas cet
elprit précieux & lî nécelfaire
à l’entretien du feu qui nous
anime t
47 •
Chaque faignèe doit avancer !*
terme de nos jours .
La làignée, en évaporant les
elprits par qui nous tenons nos
forces, mortifie tellement cette
liqueur* ce feu humide enfin
que nous appelions làng, qu’il
celfe d’être propre à faire une
circulation libre & affez promp»
te pour qu’elle puilfe être pure.
Je prie mon leâeur de faire
une attention lerieufe à Jim-
po Le Conservateur
portante obfervation que je vais
faire.
Remarquons bien que les ar¬
tères & les veines que l’on a in-
tention de vuider par la fai,
gnée , demeurent cependant
toujours pleines jufqu a l’extrac¬
tion de la derniere goutte de
làng; mais de quoi fe remplif-
fent-elles ? de mes groiïîers k
indigeftes > pompés par le vui-
de que la faignée occafionne;
parce que ces fucs n’ayant point
été allez purifiés pour entrer
dans les veines , y entraînent
avec eux nécefTairement toutes
leurs impuretés.
DU SANG'HUMAIN. pi
48.
La faignée ejl contraire même
aux obftruclions , quoiqu'elle
femble utile .
- Mais-? me dira quelqu’un ? la
faignée eft donc bonne pour les
-obftrudtions des vifcèresj puif-
que vous venez de remarquer
qu’à proportion du fang que
l’on tire des veines, elles pom¬
pent de nouveaux flics qui ne
peuvent être pris que dans les
vifcères. Je fçais très-bien qu’on
eft dans l’habitude pernicieufè
de faigner pour lesobftru6tions 3
ce remede foulage pour quelque
tems j mais, bientôt après, les
mauvais lues venant à fo multi¬
plier par les froides digeftions
que la faignée occafionne 5 les
obftruélions fe forment de nou¬
veau ? avec un vice de plus d’é-
$2 Le Conservateur
paiflîfTement & de lourdeur, &
quelquefois de pourriture ; car
on remarquera que le même feu
qui digéré des matières que l’on
veut cuire, fert à les pourrir,
quand on appauvrit à un certain
point les matières qui le nour¬
rirent.
D’ailleurs n’auroit-on pas pi¬
tié d’un homme qui, pour net*
toyer le devant de fa porte dans
la rue , ramafTeroit avec foin
toutes les ordures pour les met¬
tre au milieu de fa falle de com¬
pagnie.
C’eft cependant ce qui arrive
par la faignée, elle parvient à
enlever une partie des obftruc-
tions des vifcères, mais c’eft
pour en infeéfcer les veines & le
iang; n’eut-il pas mieux valu
laifler ces impuretés dans les vif¬
cères, pour les vuider par des
purgatifs convenables, plutôt
DU SANG HUMAIN.
que d’en remplir la malle du
fang, d’où il eft fi difficile de
les expulfèr?
4P'
'Développement des caufes qui ren*
dent la faignée mortelle dans
une indigejlion .
C’eft précifément parce que
la faignée pompe le vice d’un
chyle mal digéré, & en infefte
la maffe du fang, que ce malade
qui n’avoit qu’un petit embar¬
ras , une légère indifpofition
avant la faignée » tombe dans
une maladie grave 8c férieufe y
par la mauvaife difpofition de
fon eftomac détruit » 8c totale¬
ment refroidi par les-fàignées,
De-là vient encore qu’un ma¬
lade que l’on faigne dans une
indigeftion bien formée , meurt
prefqne dans Fopération y par-
94 Le Conservateur
ce qu’dors les mauvais fucs qui
remplilTent les veines à la place
du fang, ne peuvent encore
avoir mffifamment pris de fa
nature, & ne font conféquem-
ment jamais propres àréparer ces
elprits précieux, échappés les
premiers à l’ouverture de la vei¬
ne , comme je crois l’avoir fuf-
fifamment démontré, & en phy-
iïcien.... .
■ Vezal, fameux, Médecin de
fon tems., voulant, fiiivre les
principes ; de Galien , qui' con-
faille l’ample, faignée jufqu a dé-.,
faillance dans les fièvres conti¬
nues., voyant mourir fdnnma^
lade' dans ^opération, & • con¬
testa de. dire gravement, ’m 0R~
TUUS ■ SEGU2fDUM';CAmNEM:ï:ill
ejl mort dans les réglés* : Voila
fans doute la confolation du r
Médecin ; mais jcela répare-t-ili.
la^pqrte id’un ami,:d’un :pere f
DU SANG HUMAIN. pf
d’un époux, enfin de ce que ce
particulier avoit de plus cher au
monde ?
*o.
(£a faignée corrompt le fang en
dijjipant fes efjprits.
La faignée ne peut que cor¬
rompre la nature du fàng en
l’appauvrifTant par la difïipation
prefque toujours irréparable des
efprits aâiifs qui le purifient.
Bien loin de diminuer la caufe
des maladies 5 la faignée les aug¬
mente, & puifque l’amer, l'ai¬
gre , l’âpre, le falé ou le trop
infipide , produifènt les mala¬
dies , puifqu’enfin la faignée Sç
l’attraélion qu’elle produit dans
les veines en pompant de l’ef
tomae , de la ratte, du pan¬
créas , des reins, du foie, du
yéfîçule ? du fiel & des autres,
mteftins, des fucs aigres, amers
$>6 Le Conservateur
âpres ou trop infipides, devient
la caufe efficiente des maladies
les plus graves ; il s’enfuivra que
ce Médecin, loin de parvenir à
guérir fon malade d’une légère
indifpofition , le conduira fou-
vent aux portes de la mort par
la lèule faignée.
ib.
Comparaifon du partifait de la
faignée SC du couvreur fur un.
toit.
Je compare le partilan outré
de la faignée, qui ne veut entre¬
prendre aucun malade fans le
laigner, à ce couvreur, qui, lùrle
toît d’une maifon qu’on lui con*
fie, tire bien plus d’argent du
dégât qu’il fait, que de la be~
fogne qu’il doit faire, & qui »
pour remettre une tuile caffée,
commence par en enlever une
douzaine
DU SANG HUMAIN.
douzaine tout autour, & les jet-
ter à la rue, quoiqu’elles fuffent
très-bonnes, avant de rempla¬
cer celle qui manquoit , & qui
n’oublie point de les faire toutes
payer au propriétaire.
Encore peut-on toifer l’ou¬
vrage de ce couvreur & Ce dé¬
dommager , en ne payant que
ce qu’il a dû faire : au lieu que
l’ouvrage du Médecin ne Ce toi¬
le point ? & quand on ne le
payeroit point du tout, çela ne
réparera pas le mal qu’il a pu
faire par une faignée mal or¬
donnée, qui fouvent devient la
fource des maladies les plus gra¬
ves, pendant qu’un rien, pour
ainli dire , une tifane légère ,
le régime feul eût pû guérir ce
malade , au lieu que par la fai¬
gnée fon eftomac devenant plus
loible » ne fait que de mauvaifes
5>8 Le Conservateur
digeftions, par le moyen de{-
quelles fe forment les levains
épais & âcres qui infeâient le
fang, 8c qui font fi difficiles à
détruire.
Je n’expolè cependant cet
abus que contre la pratique de
quelques Médecins, j’avoue que
le grand nombre ne iàigne pas
à tout propos ; mais on ordonne
la laignée fouvent, 8c je prou¬
verai, dans la fuite de ce traité ,
quelle.eft prefquetoujoursnui-
fible, quelque bien qu’elle ait
paru faire.
J’admets cependant un cas
ou, faute d’autre remede, la
faignée peut donner un foulage*
ment momentané, c’efi: dans
l’apoplexie ; mais je voudrois
qu’on fit cette faignée très-pe¬
tite car pour abailfer une co¬
lonne d’eau qui monteroit au
DU SANG HUMAIN. pp
.ciel il fùffiroit d’en ôter la va¬
leur dune cuillerée de fa partie
inférieure.
Je fuis bien éloigné de croire
que la faignée foit mdifpenfable
dans l’apoplexie : je vais citer
un exemple qui le prouve.
- ' S 2 - ; „
Exemple de P inutilité de là fai?
gnée meme dans P apoplexie.
Il y a quatre ans qu’un hom¬
me d’environ cinquante - cinq
ans, fort replet, tomba pref
qu’à mes pieds en apoplexie ;
je fis remplir auffi-tôt à moitié
une cuiller de fèl bien égrugé,
que je délayai dans la même
cuiller avec de l’urine ; je fis
mettre ce mélange dans la bou¬
che du malade, je le fècouai
bien fort, il dégorgea quantité
de glaires; je iis faire un lave^
ioo Le Conservateur
ment avec l’infufion de demi*
gros de tabac en feuilles dans
un nouet de linge fur trois de*
mi-feptiers d’eau réduite à demi*
feptier, demi-heure après mon
malade eut deux ou trois éva-
cuations qui le tirèrent d’affaire,
& je n’ai pas oui dire qu’il fut
retombé.
Je fçais qu’on diftingue deux
fortes d’apoplexies, celle d’hu¬
meurs St celle de fang ; mais, à
dire vrai, c’efl un jeu de mots :
car l’apoplexie, mêmede fàng,
ne provient qüe d’abondance
d’humeurs fuperflues, e’eft pbtir*
quoi je crois le remède, que je
viens de rapporter, très - bon
pour l’une ou l’autre efpece d’a¬
poplexie , attendu qu elles pro¬
viennent de coaguls, que le fel
& l’urine font en état de diffou-
dré, ainff que l’infulion de ta-
Ce qui facilite beaucoup
DU SANG HUMAIN. ICI
plus que la faignée, l’évacuation
néceiîaire à la cure de cette ma¬
ladie.
SI-
Raifort, de préférer certains re-
medes doux à la faignée*
Gomme notre fang eft com-
pofé de trois humeurs, ledquel-
les, à proportion de leur qualité
bonne ou mauvaise, prefTent 8c
Surchargent , nos vaifïeaux, il
s’enfuivra qu’un vomitif donné,
à propos y un purgatif doux ou
un lavement combiné félon l’hu¬
meur peccante, dégagera les
vaifïeaux tout aufîi bien que la
daignée, avec tant de difFérence
que cette forte d’évacuation
n’aura point appauvri le dang
du malade, en détruidànt une
portion précieufe de l’humide
radical qui rélide principale¬
ment dans cet efprit de dàngy
io2 Le Conservateur
qui s’échappe le premier à l’ou¬
verture de la veine.
PafTons encore fur les acci-
dens à craindre dans l’opération
de la faignée , c’eft un artère
coupé par la maladreffe d’un
Chirurgien, ou la crainte du
malade qui retire fon bras ; e’eft
une fuppreffion que la crainte
de la faignée occafîone à une
femme foible & qui s’épouvante
des moindres chofes ; mais cet
article ne peut entrer que dans
le chapitre des événemens mal¬
heureux, cela n’efl pas ordi¬
naire , quoique cela n’arrive que
trop.
D’ailleurs il eft tant de pré¬
cautions à prendre dans la pra¬
tique de la faignée, & l’on en
veut prendre li peu, qu’il faut
peu s’étonner de lès ravages.
Faifons grande attention à la
remarque que je vais faire.
DU SANG HUMAIN. IO3
S4‘
La Jaignée riejl nécejfaire dans
aucune maladie , puifque Ion
a des exemples de chaque ma¬
ladie en détail guéries Jans fon
fècours.
Nous voyons que la faignée
ne fuffit Jamais au Médecin le
plus habile pour guérir radica¬
lement fon. malade ; cette fai-,
gnee fera toujours fui vie d’un,
purgatif, d’un délayant ou d’un
confortatif.
Nous remarquerons au con¬
traire que chaque maladie peut
être guérie par un remede con¬
venable à fon genre ; on a de
ceci des exemples tous les jours
fur chaque différente maladie,
le plus difficile eft de découvrir
1 humeur peccante : car on con-
noîtaffez de remedes? leur choix
t E iv
'104 Conservateur
feul annonce le bon Médecin &;
guérit le malade.
D’après ces deux importantes
obfervations, il fera très - pru¬
dent de fe détacher d’un remede
violent, qui le trouve toujours
jjnfuffifànt pour guérir, & qui
caufè les maladies les plus gra¬
ves & les plus longues , quand
on l’adminiftre en certaines cir-
confiances, lorfqu’on. échappe
au tombeau, furie bord duquel
elle nous amene.
SS-
On ne faignera jamais fans
s’expofer à rencontrer une in~
digeflion 9 raifbn de plus pour
rejetter la faignèe dans tous les
cas. '
Que ne rifque-t-on pas quand
on faigne un malade dans une
indigeflion ? Combien de ma-.
DU SANG HUMAIN.' 10?
lâdes étouffés fur le champ par
cette opération.
Un Médecin prudent me di¬
ra : J ai foin de trlinflruire du
malade comment il a mange la
veille : s'il me répond qu'il a le
plus légèrement dîné SC qiûil n a
point Joupè du tout, je fuis tran¬
quille fur îarticle de Tindigef
tion y f ordonne la fçtignée fans
crainte.
Raifon infuffifante : des mala¬
des n’ont-ils pas couvé plu-
iieurs, jours une indigeftion 3 les
uns cin q, les autres huit l N’a-
t-on pas vu-dés^ ^êns; rendreati
bout de dix : jpurs 5 ,:;à d’aide &s
yomitifs y des- ehàmpignon% pat
morceaux & en nature qui :,n’a-
veient /point été . digérés ? Quelle
fera donc la furète du^MeJeçin,
qui fe fera coejeûtjéîgpeuryç^
donner la fai gnée;> -de fçavoir
que fon malade étoit à jeun.de
E v
îô6 Le Cônsérvateûr
la veille ; les gens qui ne vont à
la {elle que tous les quinze jours,
ne peuvent-ils pas avoir une in-
digeftion de quatorze ?
Je dis plus, nos maladies
quelconques viennent d’indi-
géftion , puifque fi les humeurs
eu fient été allez digérées &
allez fluides pour filtrer libre¬
ment , elles n auraient point
caufé, par leur féjour en une
partie du corps, telle ou telle
maladie. En effet pouvons - nous
être malades de quelque mala--
die poflibie & faire une bonne
digeftion T Si Ion convient des
effets pernicieux de- la làignée
dans fèadigeftion, il faudra
donc - la rayer absolument du
catalogue des -remedés , puif-
q'uibne peut exiffer de maladie
fans indigeftion.
v - Goifibién de jeunes gens' en-
levés à lia fleur de leur âge, par
DU SANG HUMAIN. 10?
ce que les feignées avoient ruiné
leur poitrine, leur eftomac } &
enfin leur tempérament f
Combien de gens en parfaite
fenté , dont la vue devenue foi-*
ble, quoique dans une jeuneffe
brillante, ne fè doutent pas
qu’ils doivent cette fatiguante
indifpofition à la feignée ?
i" Combien d’aveugles devenus
tels par cette funefte opération >
& fur le champ ? Je vais citer
trois exemples frappans, fer
plus de dix qui font à ma con~
noiflance.
^ > S 6 - -
Trois exemples qui prouvent què
lafaighée épaijfit les humeurs %
éC devient par là. la Jource de
£ aveuglement , quand elle ne
-dctdpd pds des aêcîiefts plus
graves, . * . L . ~ .
- y.o. I e:>: . - - . '
Un jeune homme d’enyiro»
E vj
io8 Le Conservateur
dix-huit ans, plein d’agrémens,
fils unique, d’un efprit bien or¬
né , enfin lelpoir de là famille,
s’étoit avifé de prendre un bain
dans la rivière ayant bien chaud;
de retour au logis un mal de
tête violent le déclare, le Mé¬
decin arrive, prend cet acci¬
dent pour une pleuréfie com¬
mencée, quoique ce ne fût
qu’une courbature, en confé-
quence ordonne la faignée du
bras droit : pendant l’opération;
le malade fent fa vue s’affoiblir ,
lès yeux le troublent. Il perd:
totalement l’ufàge d’un œil ;
quelques, heures après le JVÎéde?=
cin arrive de nouveau, touché
de cet accident, & croyant y
porter remede par une fécondé
làignée au bras gauche, il l’or¬
donne : pendant cette Îunelle
opération le malade perdit Tu-
fage de Pautre œii & devint ton ■
DU SANG HUMAIN*. IOp
talement aveugle , au point de
rie pas diftinguer la fplendeur
des rayons d’un beau foleil, d’a¬
vec les ombres épaiffes de la nuit
la plus noire.
■ Une femme eftfaignée le foir
àïèpt heures, je rie fçais pour
quelle maladie, elle fotipe à
neuf légèrement., s’endort à
dix » dort tranquillement- juf-;
quiau lendemain huit heures dur
matin, & prend le plus beau
jour pour la nuit la plus fombre :
elles’apperçoit que cette cruelle
fkignée de la veille lui coûte la
Vue. ... / : V ?
- ■ JMb Orangé, Négociant à Pa¬
rs, -Mr. logé spour lors '-rue aux
Ours-,:fe trouvant attaqué d’une
fièvre violente, effc i faigné le
foir à nuit clofe;, ,1e lendemain
avant jour, on lui apporta une
potion , il s’apperçût qu’il ne
voyoit point, & demanda pour-
ïio^ Le Conservateur
quoi l’on venoit fans lumière
pour lui donner cela ; il s’em-
portoit, lorfqu on lui dit que la
perfonne qu’il reprenoit avoit
un flambeau à la main bien al¬
lumé ; il prit cela pour un épaif-
fiflement d’humeurs & un Am¬
ple éblouiflement > il n’en fut
pas autrement allarmé ; mais le
lendemain le grand jour lui con¬
firma Ion malheur, il efl aveu¬
gle depuis quinze ans, & n en a
pas quarante-cinq. Quelle fata¬
lité ! que de réflexions à faire !
Ces exemples 8c quantité
d’autres que j’épargne au lecteur
pour ne pas le fatiguer, prouve¬
ront que la fa ignée épaiffît les
humeurs ; de-là raille maux, plus
ou moins dangereux, dont elle
eftla funefte caulè.
DU SANG HUMAIN. III
$-7‘
La faignée produit la paralyjîe
SC bien (Vautres maladies .
Je fupplie mesle&eurs de cher¬
cher un paralytique qui n’ait pas
été faigné : pourquoi la paraly-
fie devient-elle la fuite prefqu’in-
difpenfable de l’apoplexie ? c’eft
par la faignée que mal-à-propos
on croit indilpenfable dans cette
maladie ; jamais vous ne verrez
un apoplectique tomber en pa-
ralyfie, £ l’on a trouvé les
moyens de le guérir fans fai¬
gnée 5 au moins je n’en ai pas
encore vû d’exemples dans les
perfonnes à qui j’ai donné des
foulagemens dans cette mala¬
die. Les fàchets d’Arnoult n’au-
roient pas tant fàuvé de mala¬
des de ce genre > £ la iàignée
ni Le Conservateur*
étoit un remede indifpenfablë
en cette occajfîon.
Combien de goutteux aux¬
quels une faignée donna la
mort, en fixant le vice coagu*
latif de cette maladie dans M
tomac !
Combien de catharreux Sc
d’afthmatiques , combien de
pulmoniques devenus! tels par
la faignée, combien n’eft-il pas
rare de trouver un fujet .attaqué
de Tune de ces maladies, dans
le nombre de ceux que l’on n a
jamais laigné ! Je dis jamais,
parce que les mauvais effets de
la faignée ne font pas toujours
prompts & lubits, à caufe que
les humeurs n’ont pas, dès les
premiers tems, le.degré d’épàifi
mfement qui caufe les maladies,
par les obUruétions qui; fe for-
ment petit-à-petit, & que. cet
DU SANG HUMAIN fl|
épaiffîffement ne vient à un cer¬
tain degré? que quelquefois dans
féfpace de pluüeurs mois, à
proportion du rallentilTement
de la circulation ? & des digef-
tions que la faignée produit
chaque jour.
I f*
Sentiment du grand Dumoulin ,
fur le traitement général des
1 maladies.
Le célèbre Dumoulin difoit
au lit de la mort ? à ceux qui
f entourbiènt & qui pleuroient
fa perte : « Je laifïe après moi
» deux plus grands Médecins?
» ce font l’eau & la diète ».
Ce grand homme dit-il tou¬
jours auffi vrai pendant fa vie ?
& dans les confultations qu’on
lui payoit fort cher ?
Quels malades en effet ne
ïi4 Le Conservateur
pourroit-on pas rétablir par les
îècours de la diète & de l’eau ?
Si ce régime ne guérit pas radi¬
calement, au moins foulage-t-il
beaucoup : car l’eau , que tout
le monde reconnoît pour le
meilleur des dilTolvans, délaye
les humeurs èpaifïîes, dès-lors
les rendant plus légères, leur
donne la facilité d’être charriées
par notre fang dans toutes les
parties qu’elles doivent nourrir,
Ï9-
Ne pas confondre ta diète SC U
jeûne .
La diète repole un eftomac
furchargé, mais qu’on ne con¬
fonde pas la diète avec le jeûne
rigoureux qu’on ordonne fou-
vent au malade, car la diète ra¬
fraîchit, & le jeune échauffe; la
diète eft la privation: de quel*?
DU SAN (j HUMAIN. 115"
ques repas, le jeune eft la priva¬
tion de tout aliment. Il me fuf
fira donc que le malade , par
prudence & par dilcrétion » le
prive d’une partie des alimens à
fonulage, & lîir-tout de ceux
qui pourroient être lourds à fou
eftomac, & rendre là digeflion
pénible, lente > & la Iburce
d’une quantité de lues épais 8c
vifqueux.
Loin d’interdire tout aliment
à mon malade, je veux qu’il
mange, s’il a faim, une aile ou
une cuilTé de volaille rôtie, une
loupe, un œuf frais, enfin ce qui
pourra flatter Ion goût dans la
clafle des alimens légers 8c de
bon fuc ; je ferai fatisfait lï
mon malade relie fur Ion appé¬
tit : voila la diftindtion que l’on
doit faire de la diète 8c du
jeûne.
Quelque Doreur me dira ?
Le Conservateur:
« Quoi, Moniteur , vous voulez
» quon foive l’appétit du ma-
» kde, qu’on lui donne à mari/
» ger, s’il a faim; y penfez-vous î
» Ne commettrez-vous pas une
» imprudence marquée, ii ce
» malade fe trouve avoir de là
» fièvre f »
Je réponds, qu’après deux
cents expériences je me fois ap-
perçu que les malades, vérita¬
blement atteints de la fièvre,
jn’avoient point d’appétit : je dis
donc qu’il faut que mon malade
mange, s’il a faim,, parce que
l'appétit, proprement dit, n’eft
autre chofe que le delîr d’une
chofe dont la nature a befoin
pour faire fes fonctions. N’a¬
vons-nous pas l’exemple d’un
malade , condamné , félon les
Médecins , à périr fous vingt-
quatre heures, & en consé¬
quence abandonné, qui, dans
Dü SANG HUMAIN. 1 17
la violence & l’impétuofité de
fa fièvre ? demanda un citron :
comme ce malade étoit con¬
damné , on lai donna, il le dé¬
vora tout entier en quatre bou¬
chées ; au bout de trois heures
la fièvre fe calma par le moyen
d’une fèlle qu’il fit, & par la¬
quelle il rendit des matières noi¬
res & fulphureüfès qui caufoient
fà maladie. La raifbn de ceci eft
fimple j l’acide précipite Jes fou-
fi-es, voila pourquoi le citron ,
par fbn acide, opéra fi favora¬
blement ; la faignée n’avoit fait
qu’augmenter l’état cruel de ce
malade , on n’ofbit plus en faire,
parce , qu’à la fuite de fes accès
violens il tomboit en fyncope,
& dans un abattement de for¬
ces, qui lui laifïbit à peine cel¬
les de fe tenir fur fon féant.
îjS Le Conservateur
60.
Diminuer SC choifir les aliment
d’un malade , efl ce que jap*
pelle diète.
Je me bornerai, comme j’ai
-dit plus haut, à diminuer les ali-
mens de mon malade, fans lui
retrancher; à lui faire faire qua¬
tre repas légers au lieu d’un fort
repas, que ce malade eût pris
fur lui de faire, dévoré par une
faim qui l’auroit fait palfer fur
toute conlidération, & fur la
crainte d’une indigeftion qui de¬
vient indifpenfable dans un eflo-
mae trop refroidi , puifque le
froid naît du repos.
Ce n eit donc point le jeûne
que je veux ordonner à mes ma¬
lades , en prefcrivant la diète »
ce n’eft point cette privation
barbare de tout aliment qui fait
mourir une partie des malades
DU SANG HUMAIN. I Ip
àe faim ; je n’imiterai point ce
Médecin indifcret ou peu inf-
truit de la nature & de les opé¬
rations , qui fait jeûner lès ma¬
lades à la fuite des faignées dont
il les a tourmentés, & affoibli
au point, qu’il fe voit réduit à
leur faire donner l’Extrême-
Onftion pour derniere ordon¬
nance.
6 j
Singulier abus que les femmes
font de la faignée.
A voir l’abus que les femmes
font de la faignée, ne diroit-on
pas quelles en font un jeu, dont
il n’ell pas le plus petit accident
à craindre ?
Combien de femmes, en par¬
faite fauté, feulement à deffein
de prévenir une maladie, le plus
fouvent imaginaire, &: dont el¬
les ne Tentent aucun avant-cou-
'i20 Le Conservateur
reur, le font fàigner par pure
précaution : parce que, difent
elles, Tannée palFée à pareille
tems à-peu près elles eurent une.
maladie violente ; c’eft pour la
prévenir cette année. Quel abus!
celt-à-dire , que pour prévenir
une maladie quelles n’auroient
peut-être jamais eue/elles le
mettent dans le cas des accidens
les plus graves, & dont elles
demeurent quelquefois affè&ées
le relie de leur vie..
D’autres femmes par coquet*
terie le font faigner , & feule-
mënt fur ce que leur miroir an*
nonce un tein trop allumé » ou
quelles le voyent plus hautes en
couleur que la ..veille. Le Chi¬
rurgien eft mandé fur le champ»
fi ce Chirurgien prudent refuie
d’employer trop légèrement fon
miniftere, & qu’il ofe faire dès
repréfèntations, on le remercie*.
ou
mj SANG HUMAIN. 121
ou fi Ton a quelqu’empire fur lui,
on le fait obéir ; la faignée, dit
cette femme, peut feule rendre
à fon tein la fraîcheur ordinaire.
Que ne feroit pas une femme ,
puifque fon fàng lui 'ooute fi
peu, dans l’efpoir d’en être plus
belle l
62.
Effet pernicieux de la faignée que
P on fait à deffein de diminuer
une inflammation .
Examinons cependant f effet
de la faignée la plus prudem¬
ment ordonnée, voyons dun
œil de Phyficien & déîintérefie,
quelles en feront les fuites.
Je me fuis apperçu que fi la
faignée fembloit rafraîchir, ce
n’eft qu en diminuant les efprits
aftifs qui font filtrer nos hu¬
meurs dans nos veines ; par-là
diminuant notre chaleur natu-
%22 Le Conservateur
relie, nous regardons çet affaif.
fement comme un calme , mais
c’eft un mal réel, puifque ce
n’eft que par le refroidiffement
que cette faignée change l’état
du malade.
Combien de malades en effet,
crus rétablis par l’effet dès fai*
gnées, font peu de tems après
devenus hydropiques ? parce que
les efprits les plus aétirs & les
plus purs, s’étant évaporés à
l’ouverture de la veine, ont ré¬
duit les artères à fe remplir
d’eau & de flegme, à mefure
que le fang fe dillîpoit; il s’en
eft fùivi que la lymphe , deve¬
nue furabondante, a furchargè
la mafTe & déterminé les liqui¬
des à prendre fa nature, & que
cette maffe du fàng privée de la
portion du feu néceffaire à la
digeflion & à la diffîpation du
flegme furabondant , a produit*
DU SANG HUMAIN. J 2f
par Ton engorgement, l'hydro-
pilie à ce malade.
«?•
Le fang contient en lui un prin~
cipe de vie.
Point de fang, plus de vie;
que l’on verfe le fang de l’hom¬
me le plus fort, & tout celui de
l’animalle plus robufte, on le
prive én même-tems de la vie.
Le lang eft donc le liège de la¬
me fènfitive ; il s’enfuivra, par
conféquent, qu’en ôtant une
portion du fang de cet animal,
j’affoiblis en même-tems en lui
le principe de vie , dont il eft
très-clair & très-diftinâement
prouvé que le fang eft la vérita¬
ble bafe.
Fij
i2^ Le Conservateur
64.
Erreur de ceux qui croyent que U
foie, forme du fang ajje^ p Ur
pour fuppléer à /’ évacuation
de La faignée .
Quelques Médecins ont cru
que le foie formoit aflez de fang
pour, fuppléer aux {àignées les
plus abondantes.
Je conviens que le foie & les
autres inteftins fourniflent à la
réplétion des veines ; mais com¬
me par la fàignée on lui fait
quadrupler fes fonctions, il n’a
fourni que de mauvais fucs vif-
qieux & pleins de flegme, qui
n? pourront, dans la fermenta¬
tion quiïe fait, fournir le quart
des efprits diflîpés par la fai¬
gnée : voila le mal réel & à ja¬
mais irréparable que produit la
faignée ; parce que nous ne vi«
DU SANG HUMAIN.' I2f
vons long-tems qu’à proportion
de la quantité plus ou moins
grande ctefpril de fang que nous
confervons pour digérer.
Enfin tout ce qui refpire fub-
fifte par le mouvement : or les
efprits font l’ame du mouve¬
ment par qui nous refpirons ;
fuyons donc la fàignée, puifque
les efprits les plus purs du fang
fortent néceffairement les pre¬
miers à l’ouverture de la veine.
6 S-
La Jaignèe nefl pas nécejjaire
pour le mal de tête } quoique le
fang s y porte .
Quelqu’un me dira : Le fang
me portoit à la tête, je fus fur
le champ foulagé par la faignée.
Je veux bien convenir avec
ce malade, pour un inflant, que
le fang pouvoit lui porter à la
F iij
' ï 2 <S Le Conservateur
tête, mais en même-tems je di¬
rai que cette révolution de fan»
prend fa fource dans la pléni¬
tude des humeurs, &“ leur dé¬
faut de circulation bien moins
que dans la furabondance du
fan g car les humeurs, par leur
épaiffiffement? engorgent les
parties inférieures? ferment le
pafFage au fang, & le forcent
de fe porter à la tête.
Ainlî ce malade que la fài-
gnée vient de foulager ? l’eut été
bien davantage par un lavement
combiné félon fan tempéra¬
ment: un remede : auffi iimple
eut produit un effet plus folide ?
car li l’on ne joint à la faignée
les délayans & les purgatifs ? on
n’en reçoit qu’un loulagement de
peu de durée ? & pour l’ordi¬
naire le lendemain on fe fent
plus malade que la veille : cela
nous prouve alfez que ce font
. BU SANG &UMAÏN. 12$
ces délayans & ces purgatifs qui
opèrent de bons effets ? & non
pas la faignée.
66 .
Un mauvais ejlomac produit fou-
vent des maux de tête*
D’ailleurs prefque tous les
maux de tête ont leur fource
dans l’eftomac? qui, fouvent
trop affaibli par quelque eaufè
étrangère, ou trop foible de fa
nature, ne peut faire librement
fes fondions, & fè trouvant
trop froid pour diftilier , avec
une vigueur fuffifante, les ali-
mens qui le chargent, nenvoyé
que des vapeurs pelantes au cer-*
veau, qui ne fe fixent à la tête
que parce quelles ne font pas
pouffées par un feu affez vif, ca¬
pable de leur donner l’aétion
née affaire pour fe diffribuer
F iv
■128 Le Conservateur
dans les plus petits vaifîeaux ;
d’ailleurs le feu ne peut cliaffer
le fang dans les capillaires, qu’a-
près la purification des parties
groffieres qui I’épaifMent, eft-
ce par la faignée qu’on y par-
viendra? puifque par elle le fang
le plus léger & le plus pur/or-
tira le premier, en laiïïant après
lui les parties les plus crafles 8t
les plus lourdes qui furchargent
la malTe de plus en plus, loin
d’être parvenu à l’alléger par
cette opération.
D’après ces remarques 8t cet¬
te foule de preuves que la fai¬
gnée fe fait toujours aux dépens
de l’eftomac , quels fecours at¬
tendre d’elle pour guérir un mal
de tête ? Peut-elle rétablir les
fibres d’un eftomac refroidi ?
n’eft-elle pas plutôt faite pour le
ruiner & le glacer entièrement?
D’où vient un Médecin défen»
'DU'SANG HUMAIN. 12g
droit-il à fon malade de manger
du tout lorfqu’ilvient d’être fai»
gné, & même le lendemain? s’il
n’étoit bien convaincu que la fai¬
gnée s’efl faite aux dépens d’une
partie de la chaleur nécelfaire à
l’eftomac? par confëquent à la
vie ?
Si-
Lafaignée contraire à lafluxion
de poitrine .
On convient que la faignée
peut faire dégénérer un rhume
fimple en fluxion de poitrine?
& cependant on ordonne la fai¬
gnée pour guérir la fluxion de
poitrine. Quel fîngulier contraf
te ! Va-t-on replonger un noyé
dans la riviere pour lui faire re-
f orger toute l’eau qu’il a pû
oire ?
Des tifanes Amples ? des cor¬
diaux Sc des lavemens m’ont
F y
130 Le Conservateur
toujours réufîî dans ces mala¬
dies , & me les ont tirés d’af¬
faire en cinq ou neuf jours,
dont un feul de convalefcence:
ces remedes ne les ont point fa¬
tigués ? je leur ai laifTé manger
de la foupe quand ils ont eu
faim, en leur faifant boire deux
ou trois doigts de vin d’Alicante
en même tems : je remarquerai
en pafTant, que depuis dix ans
je n’en ai pas vû mourir un feul
de cette maniéré , au lieu que
de dix malades que l’on Aligne¬
ra dans cette maladie? je parle
pour la deftrudfion d’un tiers.
68 .
'Les lavemens ? les délayans > les
purgatifs SC la trànfpiration ?
Jont les remedes fiipérieurs .
Je préféré dans toutes les
maladies? les lavemens? la tranf
DÎT SANG Ht/MAfNV Î|I
piration Sc ies purgatifs, parce
que ces remedes divifent la lym¬
phe trop épaiffie Sc purgent la
furabondante, en cela je les
crois, à tous égards, préférables
à la faignée r dailleurs il eft rare
que l’on meure par les autres
évacuations, Sc dans leur opé¬
ration , conduite par un Méde¬
cin éclairé, au lieu que la li¬
gnée détruit un quart des ma¬
lades ; fon martyrologe eft le
plus étendu.
J’entends un Médecin qui s’é¬
crie : « Nous ordonnons la lài-
» gnée pour faciliter la tranfpi-
» ration. »
N’avez - vous donc que ce
moyen ? Sc puilque la tranfpira-
tiondes humeurs eft interceptée
par leur épailîîflement , que
n’employez-vous les déiayans ?
après que des lavemens auront
dégagé les premières voies.
132 Le Conservateur
6 9 .
La faignée contraire au mat de
tête, SC peut le donner.
Il me paroîtra toujours fingu-
lier que l’on fe fade faigner pour
un mal de tête, lorfque je voü~
drai faire attention qu’un ma¬
lade quon vient de faigner n’a
qu’à manger à fon ordinaire,
une heure après le mal de tête
le prend; la faignée fera donc
un foîble remede pour guérir
un mal de tête, puifqu’elle a pû
le donner à celui qui ne l’avoit
pas: remarquez bien que ceux
qui fe font trouvés guéris d’un
mal de tête après la faignée,
n’ont point été guéris par fon
opération, mais bien par le fe -
cours des autres remedes em-
DU SANG HUMA ÏN, îjf
Quelqu’un me difoit un jour i
Mon fang étoit corrompu, je
voudrais que vous l’euflîez vu,
il ëtoit affreux, cette fàignée
étoit indifpenfable.
Quelle erreur grofïiere f no-
tre fang ne peut fe corrompre
dans nos veines fans que la mort
ait précédé cette corruption de
quelques momens. Dites que vo¬
tre fang étoit mêlé de fubftan-
ces corrompues ; mais je fup-
pofè, pour une minute^ quevor
tre fang fut corrompu, efl-ce
E ar la faignée qu’il peut fe réta-
lir ? Quel eft le Marchand de.
vin qui, pour rétablir fon vin
gâté, commencera par en jet-
ter la moitié dans la rue?
>34 Le Conservateur
7 °*
Notre fan g ne peut fe corrompre
pendant notre vie.
je ne conçois pas comment
un Médecin petit dire à fon ma¬
lade : « Votre fang ëft tout cor-
» rompu , il faut le rétablir. »
Quel eft donc l’homme en état
de rétablir une chofè corrom¬
pue ? Quel exemple donnera-
t-on d’un tel miracle ï Dieu feul
a pu le faire dans la perforine du
Lazare ; mais une plante, un
animal , tout être enfin une fois
corrompu , ne fçauroit retour¬
ner à fà nature première, parce
qu’il faudroit lui rendre lefprit
qui l’animoit avant de fe cor¬
rompre, & c’eft l’ouvrage d’un
Dieu.
Le fàng, dans un homme vi¬
vant, ne peut jamais fecorrom-
DU SANG HUMAIN. l%f
pré, parce qu’il elt formé de
Tefprit le plus pur des quatre
humeurs ; les maladies ne font
& ne peuvent donc être dans le
fàng, mais feulement dans la
fùrabondance ou l’impureté de
telle humeur, & nullement en
lui, parce qu’il efl plus léger,
plus chaud, plus agile, plus fub-
til & plus pur que les humeurs
qu’il charrie, delliné qu’il fut
par le Créateur à fe répandre
dans le corps pour Fanimer, le
nourrir, le conferver le faire
fubfifler, parce qu’en lui, plus
particulièrement qu’aux autres
humeurs, réfide ce feu vivifiant
par qui l’homme exifle, auffi
elt-il toujours le dernier à le cor¬
rompre ; & quand il arrive à la
corruption, ce n’efl que quel¬
ques inflans après la mort du fu-
jet en qui cela arrive.
On s’apperçoit, par la priva-
r ij 6 Le Conservateur
tion du feu qui circule avec no«
tre fang. & que nous rendons
avec la vie, que la mort ne nous
a pas plutôt fermé les yeux, que
notre fang n’eft plus fang; mais
une matière lourde, craffe &
corrompue, privée deTefprit
qui la préfervoit de corruption.
On doit d’autant moins fe
flatter de parvenir à faire chan¬
ger un état de corruption par la
Signée, que la diminution de
la chaleur que l’on éprouve par
cette opération, feroit bien plus
capable de l’avancer que de la
retarder.
Nos maladies même les plus
malignes, viennent fcuvent de
l’effet dune caulè inconnue ré¬
pandue dans l’air, ou infedés
d’alimens, deux cailles que la
fai^née ne peut corriger ni dé¬
truire.
Que m’avons-nous le bon fens
DU SANG HUMAIN. 3^7
«les Chinois ou des habitans du
Japon, qui ne fe faigrtent ja¬
mais, & qui vivent lomg-tems ,
qui n’ont que des indifpofitions
& jamais des maladies éternel¬
les , comme celles qu’enfante la
làignee , par la deflru&ion de
l’humide radical.
Que ne fuivons-nous toujours
la nature & là fimplicité, dans
un objet aufli important que la
fanté. La nature choi/ît les re¬
medes fimples, faciles à trou¬
ver, qûe tout le monde peut
préparer tons dépenfe ; mais l’a¬
varice dés hommes inventa ce
vain étalage de comportions
inutiles, quand elles ne font pas
tout-à-fait pernicieufes & même
mortelles. On n’eftime que les
remedes qui viennent de l’Inde
ou de l’Arabie, tandis que les
véritables remedes fe trouvent
chaque jour à la table du pau-
'138 Le Conservateur
vre, puifque les deux premiers
& les plus'Spécifiques,- font;, fans
contredit} la modération. &. 1 3
fobriété. , :
7 1 *
La Chine SC le Japon font les
pays lès plus peuples ', où Ton
Vive moins jù)et aux maladiesh
SC plus vieux, • Là joignit y
tjl inconnue.
Ne remarque-t-on pas que les
vaftes empires de laiCliine k
du Japon , -.font les plus peuplés
qu on .coniioiffe. : on allègue
quelquefois la différence du cli¬
mat , on neft pas fâché de don¬
ner cette raifon pour expliquer
ce qu'on ne comprend pas; mais
nous remarquerons en paffant
qu'il elt des contrées à la Chine
de la même température d’air
que celle de differentes parties
de notre France : on y guérit
DU SANG HUMAIN. 13P
parfaitement bien fans le fe-
cours de la Lignée. L’on n’y voit
point de paralytiques jl’afmme y
eft encore plus rare , & les vieil¬
lards de cent ans & plus y font
très-communs.
Cela n’étonnera point un Phy-
fîcien, qui remarque qu’avant
d’avoir pû tirer à fon malade
une once de bile par la Lignée,
on l’a privé, peut-être> de trois
onces d’efprit de fang qui s’é¬
vapore, perte irréparable : car
cet efprit le trouvoit combiné
par l’Etre fuprême, pour tem¬
pérer nos humeurs & les tenir
dans un jufte équilibre*
Concluons de ceci que, pour
parvenir à la guérilbn des ma¬
lades, il fuffira de délayer les x
humeurs épaiflîes & de travail¬
ler à l’évacuation des furabon-
dantes, effet que la faignée ne
pourra produire ; auffî quelques
t4 ô Le Conservateur
Médecins ne l’employent - il 3
<jue comme préparative à d’au¬
tres remedes ; barbare maxime !
Peut-on donner comme un Am¬
ple préparatif ou remede de
précaution, celui qui, fait à
contre-tems, met le malade en
danger de mort f
7 2 v
Aucun Médecin , pattifan de h
faignée , ne peut donner de
rayon fuffifante pour s*ajjurer
qiùil na pas mis tel ou tel ma ?
lade en danger de mort.
En effet quel eft le Médecin
allez hardi pour affirmer qu’il
n’aura jamais expofé la vie de
fon malade en le faifant faigner
dans une indigeftion ?-Je vais
citer un exemple connu à ce fu-
jet, capable de faire détefter à
jamais la pratique pernicieufe
DU SANG HUMAIN. I 4 I
de la faignée ; j'ai quatorze
exemples à-peu-près de même
nature de celui que je vais ci¬
ter , je choifis quelqu’un de
nom, afin que tout le monde
foit à portée de s’éclaircir du
fait.
M. de Lanoue, Lieutenant
Général de Meaux, rendit, par
le vomiiïement après une fài-
gnée, précédée cependant de
huit jours de diète, des mor¬
ceaux de viande en nature, &
mourut de cette indigeflion,
que la faignée venoit de faire
empirer : il expira prefque fur
le coup, car ce fut deux heures
après l’ouverture de la veine.
Si huit jours de diète ne fùf-
fifent pas au Médecin pour s’af
furer que le malade n’a pas d’in-
digeftion, dans quel cas, quel¬
que preiïe qu’il paroiffe, pourra-
t-on hafarder une faignée ?
142 Le Conservateur
La faignée produit bien d’au¬
tres maux, elle retarde les cri-
fes en afFoibliïïant le malade ,
elle les empêche même fouvent,
en évaporant le feu falutaire qui
peut les produire, & prive de la
vie ce pauvre malade, viétime
innocente de fa confiance en un
Médecin peu éclairé.
Le fàng, ce baume divin,
ce tréfor de la vie, eft à nos
corps ce qu’efl l’huile à la lam¬
pe ; c’eft par fon feu vivifiant
que notre refpiration demeure
libre : de-là vient que les mala¬
des qu’on a beaucoup làigné,
font plutôt efîouffiés & devien¬
nent facilement afthmatiques.
Pourquoi fommes - nous les
fèuls dans le genre animal dont
on ne puilfe déterminer le cours
naturel de la vie ? Un chien vit
quinze à dix-huit ans, un cheval
environ quarante : chaque ani-
DU SANG HUMAIN. 14$
mal, excepté l’homme, conduit
allez naturellement là carrière à
Ton terme. N’en loyons point
étonnés, les animaux ne fe fei¬
gnent pas, leurs remedes font
la diète & l'eau : leur Médecin,
la modération. Ils fuivent en
cela la nature , pourquoi la
croyons-nous mauvaile mere ?
cette répugnance naturelle en
nous de voir notre làng, ne
veut-elle rien dire ?
, 73 '
Les payfans fe guérijjent eux -
mêmes de toutes Jortes de ma¬
ladies , fans la faignée.
Si la faignée_pouvoit palier
pour un bôn remede, pourquoi
les peuples, auxquels il eft in¬
connu , vivent-ils plus heureulè*
ment en lànté & plus long-tems f
pourquoi Ibnt-ils , pour ainli di-
144 Le Conservateur.
re, obligés d’affbmmer les vieil¬
lards comme à la Chine, au Ja¬
pon , &e. Pourquoi ce payfan,
même dans nos climats, fepafTe-
t-il fouvent de Médecin dans fes
maladies avec du vin, du lucre,
de bons bouillons, & le guérit-
il plus promptement qu un ri¬
chard, au milieu de deux ou
trois Médecins qui le faignent,
le purgent & le font jeûner à la
fuite de cela, ce qui éternilè fes
maladies, par la ruine totale de
Ion tempérament?
J’ai déjà dit que les partilàns
de la faignée, lùr la citation
qu’on leur fait du Japon ou elle
eft inconnue, fe retranchoient
fur la différence du climat.
Je demande , fi Ton prend
pour un même climat la Flan¬
dre & l’Efpagne ; la Flandre eft
froide , l’Efpagne eft un pays
chaud, ri y laigne-t-on pas égale*
menti
DU SANG HUMAIN*
ment ? Sans fortir de France »
l’Allemagne & la Provence font-
elles également tempérées ? N’y
regarde-t-on pas des deux côtés
la faignée comme un remede
admirable, indifpenfable même
dans certaines maladies ?
Lifons i’hiltoire, nous ver¬
rons combien nos peres vivoient
plus que nous, avant cette pra¬
tique cruelle de la faignée.
Mais, me dira-t-on, « la na-
» ture dégénéré chaque jour ;
» nous ne fommes plus ce que
» nous étions. »
Sans doute, & nous irons
toujours de mal en pire, fi des
Chirurgiens, qui nefçavent pas
parler, & qui ne fçavent qu’ou¬
vrir la veine , continuent a faire
fortune. Mais venons au fait.
0
G
14.6 Le Conservateur
74 ’
Mal-à~propos s*appuyé-t-on de ta
dégénèration de l'homme , en
remarquant qui il vit moins
vieux que [es peres .
L’homme ne peut dégénérer,
en voici la raifbn ; le feu qui l’a¬
nime en nailTant eft toujours le
même : d’ailleurs ne voyons-
nous pas la femme la plus déli¬
cate & rhomme le plus foible
produire les enfans les plus forts»
loin de dégénérer, voila au con¬
traire un exemple d améliora¬
tion ; en effet le feu eft toujours
feu, il ne peut être impur.
Que l’on allume un énorme
monceau de charbon avec la
plus foible lumière, une étin¬
celle mourante, fi vous voulez,
deux heures après ne formera-
t’il pas un brafier tout auffi con-
DU SANG HUMAIN. 14?
fidérable, que fi vous l’eulfièz
allumé tout d’un coup avec une
torche de feu ? Voila l’hifloire
de la génération : l’homme le
plus délicat fournit alfez de feu
pour la génération, & la rend
aufii sûre en s’accouplant, que
l’homme beaucoup plus fort.
Mais fi pendant que le char¬
bon s’allume d’un côté, vous
ôtez une partie de fa matière, il
ne durera pas fi longtems que le
monceau voifin du même vo¬
lume également embraie , 8 £
dont on fe fera contente d’ap-
paifer le grand feu avec quel¬
que féaux d*eau, & paççe que
le premier monceau de charbon
ne durera pas autant que. le fé¬
cond auquel vous n’avez rien
ôté, direz-vous que la nature
du bois de ce premier charbon
avoit dégénéré ? Cela ne vous
éclaire-t-il pas fur la prétendue
148 Le Conservateur.
dégénération de l’efpéce W
maine ?
Nous naiflons avec tout cg
quil faut pour vivre longtems,
3c tout aulïi longtems que nos
peres; mais la prodigalité de
notre làng nous conduit au tom¬
beau quelquefois tout de fub
te, louvent inlènliblement ; ce
n’eft pas la faute de la nature ,
rnais purement la nôtre.
Depuis longtems fai com-
ipëneé ce Traité > délirant lui
donner l’étendue nécelTaire,
pour ne lailfer aucune çhofe à
délirer au leéteur 5 , fur une ma¬
tière aulïi importante. Je pn>
pofe ma thèfe à tout le mondé ;
8 c ! après i avoir fatisfait aux ob-
jeéfcions quon me propofe, je
les rapporte dans ce Traité,
DU SANG HUMAIN. 14^
7 $•
Objection féduifantë ctun Médfr
cin reppectable > en faveur de
la faignée.
Un Médecin que j honore 9
& refpedtable à tous égards ,
me difoitun jour, fans doute
pour m’embarrafïer : c< Nous
» avons quelquefois trop de
» fkng, puifque la nature i’é-
» vacue dans tel ou tel flijet par
» les hémorrhoïdes ou le laigne-
:» ment de nez. »
Voila, lui répondis-je, une
obje&ion bien féduifantë ; mais
examinons à fond la queftion,
je trouve quelle en vaut la
peine.
Obfèrvons d’abord que ce
particulier qui vient de faigner
du nez, n’a répandu goutte à
goutte qu’un demi - verre de
G iij
fifo Le Conservateur
fang, ce qui peut faire trois on¬
ces environ : là nature a trouvé
çéttë évacuation fuffifante pour
alléger fon fujet : quelle pro»
portion trouvez-vous, entre cette
forte d’évacuation & celle d’en¬
viron deux livres que mon Chi¬
rurgien me tire en une feule
fois ? Ajoutons encore à cela que
dans le même jour on en tire
'quelquefois' fept ou huit livrés
au malade en quatre ou cinq
fois. Eft-ce ainfî que nous imi¬
tons la nature ?
Si vous voulez imiter la na-
ture & la fuivre dans les opé¬
rations , ne la précédez donc
pas d’une diftance auffi for¬
te ; d’ailleurs en regardant le
faignement de nez comme une
évacuation naturelle , êtes-vous
bien sûr que ce fujet n’a pas
donné lieu à cette opération en
pternuanü , en ramaffant un
DÛ SAN <3 Hl/MAIN ifï
poids un peu trop fort, enfin en
faifànt tel ou tel adfce de force,
8t qu’il ne fe fait pas Cafle de
petits vaifleaux capables de don¬
ner lieu à cet accident f
Quant au flux hémorrhoidal, il
n’arrive guères avant vingt-cinq
ou trente ans, on ne laide pas
de faigner les fujets â'iteut âge
Sc même dés l’enfance.
7<f‘
La fource des maladies riefi ja¬
mais dans le Jang } mais bien
dans les humeurs.
Je ne fçaurois aflez le répé¬
ter, la fource des maladies quel¬
conques eft dans TépaiflifTe-
ment, ou la furabondance de
telle ou telle humeur, qui, ne
pouvant filtrer par les conduits
marqués par la nature, relie
nomme mêlée avec le fang,
G iv
f i $2 Le Conservateur
quoiqu’elle ne faïïe en effet
qu’empêcher fon paffage & re¬
tarder fon cours.
La fcience du Médecin con-
ilflera fans doute à connoitrë
l’humeur peccante du malade ;
enfuite il travaillera à l’évacuer :
voila le grand art de la Méde¬
cine. Quand il y a plénitude, dé¬
bouchez le grand canal, vous
donnerez de l’aifance & du jeu
à tous les petits vaiffeaux qui
viennent s’y rendre.
' . 77 * '•
Pour -purifier le fan g d’un, hom¬
me par la. faignée , il faudroit
le tirer tout , puifqiiune Jeule
goutte de mauvais peut gâter
tout le nouveau.
Je crois avoir fuffifamment
démontré combien les partions
de là faignée mettent d’ençête-
DU SANG HUMAIN. 1 j'J
ment dans leurs principes. Je
vais faire une derniere objection
à ceux qui prétendent pouvoir
affurer que le fang peut fe cor¬
rompre dans nos veines, & en
fécond lieu qu’il fe paille réta¬
blir par la faignée.
je demanderai donc â celui
qui penfe quelque cbofe d’aufli
contraire au bons fens, s’il ne
faudroit pas finir par ne me
pas laifler une goutte de Tan g
dans les veines pour parvenir a
le purifier , puifque s’il reftoit
feulement une goutte de iang
t âté, cette goutte pourroit filt¬
re pour infeéfer tout celui que
je pourrois renouvelier. On voit
un exemple de cette gradation
dans l’inoculation de la petite
vérole , puifqu’un grain de cette
humeur impure fe multiplie
attire un nombre infini de pufi-
tôles à fa refiemblance à la fur-
Gv
ifé Le Conservateur
face de la peau dans un clin
d’œil ; il s’en faut bien que je re¬
garde l’inoculation comme
auflî falutaire qu’on la foutient.
Je crois au contraire que l’on
ne fait pas mal de retarder de
plus en plus le moment d’éprou¬
ver cette cruelle maladie.
Je crois donc avoir aflez prou¬
vé que nos maladies font dans
les humeurs & jamais dans le
fang ,‘qui n’eft que leur extrait ;
le grand point eft de découvrir
l’humeur dominante d’un ma¬
lade. J’ai trouvé dans la décom-
poiition de l’urine , des moyens
sûrs d’y parvenir, & j’ofe dire
que je ne me fuis point encore
trompé fur l’humeur peccante
de mon malade ; il m’efl même
arrivé ïbuvent de dire les moin¬
dres accidens d’un malade, l’é¬
tat de fon poulx, la couleur de
ibn vilage, fa-force & fon tempé-
DU SANG HUMAIN. I ff
rament, fur la fimpie infpeélion
de l’urine, & le malade étant
quelquefois à cent lieues de moi.
78.
JJ urine efl un moyen sûr de con¬
naître £ humeur dominante J un
malade , point ejjentiel.
Je confèiiîe donc aux Méde¬
cins de ne pas autant négliger
cette partie, qu’ils font cru di¬
gne de l’être. Quelques-uns com¬
mencent à convenir qu’on y dé¬
couvre la caüfe de quelques ma¬
ladies : ils feront bien étonnés,
après un peu d’étude, d’y re~
connoître les indices & les eau-
fes des moindres accidens.
Nous ne pouvons lire dans les
corps ; il efl naturel de convenir
que nous pouvons tirer des in¬
ductions de fon état, par la li¬
queur qui vient de s’y répandre*
G vj
i $6 Le Conservateur
& d’entraîner de toutes fes par¬
ties des impuretés, lesquelles*
à proportion de leur abondance,
marquent celles dont le corps
peut être chargé.
19 '
Hippocrate , Galien êC autres %
approuvent lexamen des urines.
Je vais citer les Auteurs qui
m’ont engagé à faire d’auffî fé-
rieufès expériences fur les qua¬
lités de l’urine des malades, afin
que l’on voye que j’ai beaucoup
lu avant d’ofer écrire : com¬
mençons par Galien.
Il confeille aux Médecins de
confulter les urines fur les ma¬
ladies du ventricule, des intef-
tins de la poitrine, des pou¬
mons , des nerfs , de la tête ,
8cc.
Hippocrate prétend que te
DU SANG HUMAIN. IfJ
rine tire fon origine cfe trois
principales fourcesd’abord de
tout aliment en particulier, di-
fant quelle contient partie de
leur lue ; enfuite il aiture qu’elle
Ce forme de la partie féreufe des
humeurs contenues dans les vei¬
nes ; & enfin la troifieme fource
de l’urine * félon lui , eft dans
l’extrait des corps fujets à fè dif-
foudre, & Ce fondre, pour ainfl
dire,corameies mauvaifeschairs?
la graifle, &c.
Ifaac ? Hollandois jaCure' que ’
Ferme coule des mêmes humeurs„
qui compofent le fang, comme
le petit lait de là coagulation du
lait; dont il découle dans la for¬
mation des fromages : il ajoute
que l’urine n’efh autre choie que
la coulure du fang.
Cette comparaifon eft allez
de monfgGÛt;; car moins les hu¬
meurs font pures, plus Furinè
fij8 ' Le Conseevatèür-
eft chargée & mauvaife *. ceci
me paroit conféquent.
Bellinus eft perfuadé que le
fang 8 c le lait font leur opéra¬
tion fembîable ; car la férolité
du lait fe fépare par la fermenta-
tion du ^moindre levain : de mê¬
me notre fang , en pafTant par
le filtre des reins, fépare de lui:
fout lefëréux» ou bien ce féreux
fè précipite par le levain qui fe
trouve toujours partir de Tefto-
mac, defcend enfuite dans la
veffie & fort par le canal des
urines.
Villicbius dit que la connoif
fahce de iurine arnene à celle
des maladies. Il fe fait , dit-il >
un cas de confcience d’avertir
les Médecins de s'appliquer à
cette étude, 8c là regarde com¬
me la partie efTentielle de la
MédecineV pour la diflmâfcioix
des maladies.
BU SANG HUMAIN, ffÿ
8 o„
'Hurine ejl le miroir des maladies
II eft bien fimple & très-pby-
îique que Furine étant un extrait
des humeurs & du lang, elle
doit annoncer & peindre leur
état par le lien. Ceux qui m’ont
fait la grâce de me cenfùlter*
fçavent que liir la fimple dé-.
composition de Furine d’un ma¬
lade ablènt 5 fai fait l’énuméra¬
tion de chacune de les mala¬
dies : j’ai pouffé les choies au
point de rendre compte à quel¬
ques-uns des rêves qu’ils avoient
dû faire. M. le Comte de Bar-
bazan, homme non fufpeâ:,
Capitaine de Dragons > Cheva¬
lier de S. Louis, en a vû la
preuve fur lui-même, le pre¬
mier jour que j’eus l’avantage
de le voir : rien de plus fimple
<*~6o Le Conservateur.
que cette connoiffance , elle eH
purement phyfique : je dirai
plus} c’eft que je ne me fuis
point encore trompé fur l’hu^
meur peccante de mon malade,
8 c que je n’ai point encore pris
une maladie pour l’autre, dans
l’examen que ai fait de tel ou
tel malade par fan urine : cela
fèul montre allez combien cette
eonnoiffance mérite peu d’être
négligée.
J’entendois un jour un grave
Médecin qui difoit d’un ton d’o-
ri cle : « Charlatanerie que tout
» cela, chofe impollîble que la
» découverte d’une maladie par
3 ) burine ? qui dans trois heures
» changera trois fois de cou-
» leur. »
C’eft ainfî, que prévenu pour
foi, quand on ignore une chofe ?
on la croit impoilîble. Combien
de gens Regardent M. Ç *;**'*
DU SANG BU M A IN. 1 6i
Comme un Charlatan ou un Sor~
cier l Ce n’eft cependant qu’un
bon Phyficien. Que fait la cou
leur de l’urine dans fa decompo-
lltion ? Etii je trouve le moyen
d’en féparer chaque humeur,
me fera-t-il difficile de connoître
là furabondance & de juger du
vice de celle du malade, à pro¬
portion des impuretés dont je fa
vois chargée l Je prie donc ceiur
qui font ou feront plus copiftes
qu’Auteurs*plus Perroquets que
Phyftciens 5 de lùfpendre leur
jugement fur les effets & les
caufes des matières à eux incon¬
nues.
8ï.
JLa connoijjance des maladies par
Furine efi pfyyjiijue.
Je dirai, pour l’honneur delà
Phyfîque &de la Ch-ymie, qu en
employant le lècours de mon
i 62 Le Conservatêür
fel féparateur, je me fuis évité
de prendre, Comme quelques
Médecins, très - refpe&ables
d’ailleurs, la poitrine d’un ma¬
lade pour fon eftomac : trompé
que j’aurois été comme ce Mé¬
decin , auquel le malade accu¬
lant fa maladie, mettoit la main
entre la poitrine & fon efto¬
mac , & difoit qu’il avoit des
douleurs cruelles d eftomac,
pendant que c’étoitun catarre
qui fatiguoit l’os fternum, qui
termine la poitrine; du côté de
l’eftomac.
Je ne prendrai pas non plus
le fcorbut pour la vérole, quoi'
que les fymp tomes en foient fi
reÇemblans à quelques égards,
8c les remedes û différens, er¬
reur qui jette quelquefois les
malades dans un appauvrifte-
ment de fang fi grand, qu’il
n’en revient jamais parfaite-
DU SANG HUMAIN. 163
ment. Je ne confondrai pas une
excoriation de matrice avec de
fi m pies vapeurs, quoique les
fimptômes fe relfemblent, enfin
je ne prendrai point la goutte
pour une autre maladie, 8 cc.
Ce riefl pas : allez d avoir dé¬
truit la pratique de la faignée,
je vais indiquer des remedes
fimples capables d’y fuppléer,
en fuppofant que le malade ou
fon Médecin foit a {Taré de l’hu¬
meur qu’il doit attaquer en lui.
- 82.
Remede à l humeur mèlancoüque»
Si la mélancolie furabonde,
faites une déco&ion de deux
onces de racine de poîipode de
chêne fur deux pintes d’eau :
ajoutez deux gros de feî de tar¬
tre , fermé dans un nouet de
linge que vous mettrez dans
1<?4 Lê Conservateur
cette liqueur& buvez-en à vo¬
tre loif, en continuant ce régi¬
me huit ou quinze jours s’il le
faut ; la viande de mouton eft
celle que vous choilirez pour
votre nourriture.
Afin qu’on ne me taxe pas de
donner des remedes dont j’i¬
gnore les propriétés} j’analyfe»
rai ceux qu’il m’arrivera d’an¬
noncer } & j’en indiquerai les
vertus.
■ , * 3 -
Vertus du Polipoâe •
Le Polipode le plus eftimé
croît fur le tronc des vieux chê¬
nes ; là feuille rellèmble un peu
à la feuille de la fougere mâle , il
faudra choilir fa racine récente,
bien nourrie, groffe & fe caf-
fant ailement : oblèrvez de la
monder de lès filamens avant
de 1’employer.
DU SANG HUMAIN. lêf
Cette racine purge la pituite
vilqueufe & la bile recuite., elle
convient plus particulièrement
aux obflru&ions du foie, du
mézentère, delaratte ;eft bonne
pour lefeorbut & les écrouelles,
Rzmede pour la hile , SC vertus
du citron.
Votre malade a-t-il trop de
bile? Coupez légèrement la
mince peau jaune de deux ci¬
trons dans deux pintes d’eau*
que vous laifferez infuferà froid
vingt-quatre heures , que le ma¬
lade en boive une pinte en di£
férens verres loin des repas; il
continuera jufqu’à ce que les ac-
cidens qui l’indilpofent ayent
eeffé;
Le citron mangé tout entier
un contre-poifon pour chai*
Ï 66 Le Conservateur
fer toute pelle & venin. La par¬
tie extérieure de Ion écorce for-*
tifie le cœur & le cerveau, diC
lout la bile épaifTe & la préci¬
pité. La partie blanche elt efti*
mée pour les reins & la veffie,
on rinfufe à la dofe d’une once
par pinte de vin blanc, qu’on
boit par jour entre les repas. On
compolè, avec la peau jaune du
citron qu’on infufè à la dolè
dune livre par pinte de vinaigre
blanc, une liqueur.qui tempere
les maladies violentes, calme
l’ardeur des fièvres malignes,
tant en le faifant refpirer qu’en
l’appliquant fur le poignet.
Remede pour la pituite.
Eft-ce la pituite qui caufel’in*
dilpofition du malade ?
Séchez à l’ombre des écofef
DU SANG HUMAIN.' 1 6j
ces d’orange douce, infufez-en
une livre environ dans une pinte
de bon vin rouge ; vous ferez
l’été cette infulion au foleil,
8 c. l’hyver fur la cheminée : au
bout de trois jours defféchez vos
écorces d’orange à l’ombre, 8 t
votre malade en mâchera à
jeun chaque jour une petite
pièce.
Joignez à ce remede des la-
vemens d’eau de Ion avec un peu
de miel mercurial dans lafe-
ringue : prenez des lavemens de
cerfeuil infufé, fi vous n’avez
autre chofe, avec un peu de
beurre frais. Si le malade a lef-
tomac bon, qu’il boive pendant
trois jours à jeun chopine de
petit lait en trois verres, de de¬
mi-heure en demi-heure.
idS Le Conservateur
26 .
V'ertus de lorange.
L’orange eû humeâante*
douce, cordiale, & très - rafraî-
ehiflante -, propre à défaltérer
un malade & le foulager dans
les fièvres ordinaires : Ton écorce
mâchée attire la pituite : fa fleur
eft céphalique, bonne à l’efto-
mac 3 hiftériqiie & contraire aux
vers.
Voici les moyens fimples &
faciles que j’ai trouvé d’attaquer
telle ou telle humeur viciée >
fans purger les autres humeurs.
%avemens purgatif doux dans
{es effets.
Je vais donner la compofitiori
d’un lavement purgatif en fa-
veujr
DU SANG HUMÀIN.
veur de ceux qui ne peuvent
rien boire, que l’on ne peut pur¬
ger , ni par le moyen des bols
& des opiates , & qui répu¬
gnent à tout ce qui porte le nom
de médecine , on pourra très-
utilement employer ce remede
dans prefque toutes les mala¬
dies , excepté celles qui peuvent
provenir d’épuifement ; j’en ai
toujours remarqué d’heureux ef¬
fets dans plulieurs maladies dif¬
férentes.
Faites bouillir trois demidèp-
tiers d’eau, 8c faites infufer une
poignée de fommités de parié¬
taire, autant de mercuriale ,
cinq ou fix racines de chicorée
fauvage, trente fleurs de vio¬
lettes , demi-once de féné mon¬
dé, & demi-once de racine de
polipode : paflez la liqueur 8c
mettez dans la feringue quatre
onces de miel.
H
r-7° Le Conservateur
On choifira, pour la compo-
fition de ce remede, les herbes
aufîi fraîches qu’il fera poffîble
de les avoir.
Comme l’hyver,fur-tout, il y
aura des tems où l’on n’aura pas
commodément toutes les herbes
fraîches, il faudra, li vous les
employez féehes, obferver au
moins quelles forent de l’année,
& quelles n’ayent feché ni au
foleii ni à la cave.
Il faudra choilir votre féné,
car il n’en ell que trop dans les
boutiques qu’il ne faut pas em¬
ployer, parce qu’il ne vaut rien,
quelquefois on perd la Con¬
fiance que l’on avoit pour tel ou
tel remede par cette raifon-;
l’importance du choix des re*
medes ell fi grande , que la rhu-
barbe, qui fait un dès meilleurs
purgatifs dans certaines mala¬
dies, devient aftringente lorf
DU SANG HUMAIN. 1*7f
quelle eft très-vieille & ver¬
moulue.
Voici donc à quoi vous con-
noîtrez le meilleur foné , Tes
gouffes ou follicules qui contiem
nent fes graines , doivent être
noirâtres, tirant lur le verd;
elles doivent être un peu ame-
res & tant foit peu âpres au
goût ; leur fomence doit être
prefTée dans Ion écolfe & bien
nourrie : les plus mauvaifes de
toutes font celles qu’on a pu
cueillir avant d’être mûres, elles
font blanchâtres.
On n’employ e que les feuilles
dans le lavement que je viens
d’indiquer, les meilleures font
verdâtres ; il faut, pour être
bonnes, quelles n’ayent point
une odeur défagréable, que fes
feuilles foient verdâtres, étroi¬
tes, douces fous les doigts &
bien pointues, ce font celles qui
'ifà Le Conservateur
reSemblent le plus à ce tableau,
que l’on appelle feuilles de féné
du Levant, quoiqu’elles ne vien*
nent pas toujours de fi loin,
; . . 88 .
Propriétés du. féné, félon on%$
riiiteurs anciens SC modernes .,
. Gaibert,- ancien Doéfceur de
là'Faeulté de Paris» dit dans fes
ouvragés que-le féné bien choifi
fait tin'excellent purgatif, qu’il
Betéoyë parfaitèment & dans ré»
volution la première & la fé¬
condé région du cœur, fortifie
Feltomac , le foie , la ratte, le
cerveau-, &c.
-M. -GHbmel prétendoit que
-fépé piirgeoit, comme par
fympâthie toute humeur pec¬
cant:# St# ïüperflue. -
i Mu Dobë dit que' pour peu
qu’oh lé mitigeVdoit avec fanis
£>U S An G MÜMAlIf. jffjjf
Verd 5 foit avec un foupçon de
Canelle ou de rîiufcade , il n’ab
iume jamais les humeurs, 14 ajou¬
te que ce purgatif ne peut nuire
à aucun tempérament.-
Enfin ? Mefîièurs AétuariuS,
Serapion 5 Mezué, Jean Fernel,
Sylvius » Mathiôle, Chomel &
Tournefort, font chacun un
éloge particulier du féné.
Sp.
Qualités SC vertus de la mer*
curiale*
Voici les propriétés de la
mercuriale , qui entre dans la
compolition de ce lavement :
elle eft laxative 3 apéritive, com
traire aux vapeurs } purge la bile
Sc les eaux.
[*74 Le Conservateur
9 o.
Vertus de la pariétaire •
La pariétaire eft une plante
émolliente, déterfîve , nettoye
les reins, provoque l’urine, at¬
tire les glaires & pouffe les gra¬
viers.
pi.
Vertus de la racine de chicorée
fauvage.
La racine de chicorée fàu-
vage raffraîchit , incife les glai¬
res 9 eft utile au foie & à la ratte*
qu’elle aide à délopiler.
9 2 ‘
Vertus de la fleur de violettes .
La fleur de violettes eft très-
douce , raffraîchit, calme les in-
teftins » eft propre aux nerfs,
DÜ SANG HUMAIN* Jff
elle ell onëtaeufe & fait dormir*
On peut employer de lave¬
ment dans tous les das où l’on
veut débarralTer lès premières
voies ; on peut appeller ee re-
medes, de précaution, parce
qu’il prépare très-bien aux '.au¬
tres convenables à fhumépr
peccante du malade, 8c qu’il
commence toujours par donner
un peu de calme, en diminuant
la fermentation qui caufe le dé-*
fordre des humeurs.
93'
Remarques intéreffantes fur les
ions effets de ce lavement.
Ce que j ai remarqué de plus
intéreflant dans ce remede, c eft
que je l’ai employé, en faveur de
malades dans, tous les cas , fem¬
mes groïïes même, auxquelles il
n’eft point contraire : il foulage
H iv
’iyrf Le Conservateur
les indigeftions, coupe les fiè¬
vres quand on le répété à pro¬
pos , un peu avant la violence
de l’accès : il eft propre aux ré¬
tentions d’urine, aux révolu¬
tions de bile & à les déborde-
mens.
On oblèrvera de fe compor¬
ter, dans Mage de ce purgatif,
comme dans' tout autre ,c eft-à*
dire, de boire à chaque folle une
tifane félon fa maladie, & de
boire un bon bouillon gras deux
heures après, tems auquel il au¬
ra fait fon efiet ; ôn pourra donc
dîner ou .louper, s’il eft rendu
avant les heures du repas. ■
On conviendra que quand il
fera queftion de maladies de
plénitude , ce remede fera tou¬
jours préférable^ la faignée, Sc
que les gens en fanté, qui fe
font habitués .fortement à faire
des remedes de précaution, pour-
DU SANG HUMAIN. Ï 77
ïônt employer celui-ci à la place
d’une faignée, qu’ils avoient
coutume de fe faire faire.
Avant de finir ce Traité, je
veux raconter ce qui m’arriva il
y a deux ans environ, cela fèr-
vira à confirmer l’opinion où je
luis ? que chaque faignée fait
toujours du mal > quelque bien,
quelle femble faire.
Un homme d’environ qua¬
rante ans 3 d’une belle figure 7
robufle en apparence , aITez gras
mais un peu pâle > me dit : « Mon-
» fieur, personne n’a plus été fai-
» gné que moi, je l’ai été il y a
» dix ans cinq fois dans un jour,
» je ne l’ai pas été depuis , &
» vous voyez que je me porte
» allez, bien ».
Je lui répondis qu’il avait rai-
fon ; mais j’ajoutai que cela n’a-
voit pû fe faire fans diminuer un
peu la force de l’humide radical *
H v
17S Le Conservateur
bafè des bonnes digeltions; iî
m avoua en effet qu’il avoit de
tems en tems de fortes douleurs
d’eftomac après fes repas : voici
la comparaifon que je lui fis ,
d’un homme que l’on guérit
d’une inflammation par la fai-
gnée j & d’un fécond malade
que l’on guérit par d’autres re-
medes qui appaifènt le feu.
Un particulier l’hyver auprès
de fon feu, trouve qu’il eft trop
âpre, & pour fe chauffer d’une
chaleur plus douce, il fait jetter
la moitié des tifons embrafës par
la fenêtre.
Un autre dans le même cas fé
contente de jetter a fiez d’eau fur
fon feu pour n’éprouver qu’une
chaleur aufîi tempérée qu’il la
défire, &. tout-à-fâit femblable
au degré de celle du premier
particulier.
Quoique ces deux perfonnes
DU SANG HUMAIN, IJÇ
ayent également réulïi tous les
deux dans l’intention de modé¬
rer leur feu , il s’enfuivra que
Fun le pourra chauffer plus long-
tems que l’autre, parce qu’il n a
fait que raffraîehir fen feu, au
lieu que l’autre l’a jetté par la fe¬
nêtre ; je conclus en lui difant :
A chaque faignée que vous avez
fait, vous avez jette la matière
du feu par la fenêtre& celui
que l’on auroit calmé par des re-
medes propres a confervé les
matières du lien, & devra,- fé¬
lon moi j vivre plus long-tems
que vous. Il me dit que tout cela
étoit à merveille * qu’il fé portait
fort bien , & qu’il auroit cent
fluxions de poitrine, qu’il ne les
feroit point traiter fans faignée.
Six mois après, j’appris que co
pauvre diable étoit mort d’une
mort que l’on a regardée comme
fubite, & qui pouvoit avoir la
H vj
i8o .Le Conservateur
fource dans la privation de la
rnatiere du feu nécefTaire à la
vie & à la digeltion. ;
S>4-
Comparaifon de nos humeurs SC
du fangi avec les lampes dé-
glije garnies deau SC dhuile*
Je compare nos humeurs &
notre fàng dans nos corps / aux
lampes d’églifè garnies d’eau &
d’huile : je flippofe l’une de ces
lampes trop pleines, de maniéré
que l’huile femble prête à étouf¬
fer la mèche ; il n’ell pas dou-,
teux qu’on rendra la fplendeur à
4a mèche de cette lampe allu¬
mée , en lui ôtant une cuillerée
de l’huile qui femble prête à la
fuffoquer : voila l’exemple du
fbuldgement que reçoit un hom¬
me de la fàignée, qu’il fe fait
faire dans une pléthores & quand
D-ü SANG H U M'A T N. i&t
le fàng lui porte à la tête.
Jefuppofe une fécondé lampe
dans le même cas, & que pour
dégager la mèche on fe foit con¬
tenté d’ôter une partie de l’eau;
du fond de la lampe, qui ne s’y
trouve placée que pour fqutenir:
l’huile, il arrivera une égale
réuflite de cette opération, par
rapport à la mèche devenue
plus libre, parce qu’en dimi¬
nuant l’eau inférieure à l 4 huile ^
celle-ci s’eft un peu abaifTée ;
voila l’exemple ou la comparai-
fon convenable à celui qui, pour
fe dégager les vaifTeaux,. le fera.
contenté d’employer un lave¬
ment purgatif*, lequel , en déga¬
geant les matières inférieures,
aura produit l’affaiirement de
celles qui repofoient fur elles \
enfin qui n’aura purgé que les
matières impures, de la fermen¬
tation delquelles étoit produite
r ï$2 Le CoNSEftV&TEÛR
la grande tenfion de lès veines
& de tous fes vailTeaux.
Notre fàng eft l’iiuile, nos
humeurs font i’eau de la lampe
qui brûle en nous : en fuppofant
que la faignee put produire lé
même bien qu r ùn lavement pur»
f atifj un délayant,' un abfor-
ant ou autre remede limple >
il s’enfuivra que moi qui nai
purgé que des matières cralTes,
je nai pas dû abréger par ces re»
medes les jours de mon malade >
au lieu que vous, en lui tirant le
fan g dans lequel réfide le baume
& le principe de la vie, enfin
Fhuile de la lampe , vous avez
du reftreindre le cours naturel
de Ion exiftence, de maniéré
que cet homme conftitué pour
vivre cent ans & plus,n’en vi¬
vra pas feulement cinquante s’il
a été beaucoup làigné. Nous ne
ferions pas aufiï étonnés de voir
du sang humain. rS$
dans nos familles des vieillards
de cent ans, fi l’ufage des li¬
gnées', prefqu’univerfellement
reçu, ne rendoit la chofe pref~
qu’impoflîble.
5>r-
M. Confiant y mort à 114 ans ?
n avait jamais été faigné.
Tout Paris Içait que Mon-
fieur Confiant, mort il y a deux
ou trois ans à cent quatorze
ans, n’avoit jamais été fàigné: il
avoit eu durant fa vie beaucoup
de fièvres inflammatoires, mais
il s’étoit guéri par les remedes
Amples ; il employoit les abfcr-
bans » les délayans & les pur¬
gatifs.
Nous avons, dans les diffé-*
rens Journaux,depuis long-tems.»
des notes de vieillards morts à
plus de cent ans ; que i’on en dé-
ï §4 Le Conservateur 5 Sec.
découvre feulement un dans h
nombre qui ait été beaucoup
fàigné, je ferai fatisfait.
5>*
Forte objection contre la Jaignie*
Ce dernier défi que je fais- à
l’Univers, fèrvira à prouver cfe
plus en plus mon fentiment fur
la faignée.
Que l’on me repréfente un
vieillard de plus de cent ans,
que Ion ait beaucoup faigné
dans fes maladies, je païïè con¬
damnation ; mais je puis afilirer
que dans toutes les recherches
que j’ai faites par-tout depuis dis
ans, je n’en ai pas encore trouvé
un feuL
FI Æ
T'A B-L E
DES SOMMAIRES
Contenus dans ce Volume»-
si. X ^ Saignée efl toujours pré -
B / judiciable , quelque bien,
qu ellefernble faire. page i
2. Ze fart g fe purifie avant d'en-
trer dans les veines. 3
5 A. Analyfe du fan g SC de fis
principes. 4.
3 B. Ce ^«e cefl que la bile . 5“
4. Ce que défi que la pituite . 7
5. Ce que défi que la mélancolie
ou flegme., &
6. Moyen de- connoitre thumeur
peccante du malade. Nous al -
!i8rf TABLE
Ions tindiquer. Domination
du fan g. io
7. Domination de la hile. 11
8. Domination de la mélanco¬
lie ibid.
p. Domination de la pituite. 12
10. Nos humeurs empirent plus ou
moins félon tes faifons. 15
tl. Empire du fang au prin¬
temps . ibid.
12. Empire de la hile en été. 14
13. Empire de la pituite en hy-
ver . ibid.
14. Diflinclion de îhumeur qui
caufe telle ou telle fièvre. 1 6
33. datife de la fièvre continue «
ibid,
16. Fièvre tierce, 17
17. Fièvre quarte . ibid,
18. Fièvre quotidienne. 18
ip. Raifons qui prouvent que ta
faignèe la plus prudemment or¬
donnée ejl toujours un mal, 20
zo.Za faignèe contraire meme
DES SOMMAIRES. 187
dans la pléthore. 21
Si. Attention particulière de Ga¬
lien avant de faire faigner 9
quoique ce fut un des partifans
de la faignée. 25
122. Second cas où la faignée e/l
contraire y même dans la plé¬
thore. 27
23. La nature efl en défaut fi lé*
vacuation du fan g efl un de
fes ouvrages. ibid.
24. Principes defquels le f 'ang fl
formé. 27
23. Raifons féduifantes en faveur
de la faignée. 2p
2.6. Développement de la digef-
tion. 30
27. Ce qiùil faut pour bien di¬
gérer. 32
28. La falive efl le diffolvant de
(eflomac. 33
2 p. Aucun corps ne fe di/fout que
par un diffolvant de fd. natu¬
re. 3.S
m TABLE
30- Raifons qui prouvent que ion*
tes nos maladies viennent du
feul défaut de digeflion. 41
31. Comparaifon de la bile en
nous , avec le foufre dans le
globe ierreflre. 44
32. Trois expériences qui prou¬
vent que l'analogie des corps efi
nécejjâire à leur mélange par*
fait. .48
3 3. Réponfes a quatre objeclions'
féduifantes en faveur de la fair
gnée. 5°
34. Preuves de tinutilité de la
faignée. ,
35'. La faignée rejettée dans les
fluxions de poitrine . 59
3 < 5 . La faignée contraire dans la
plénitude. & 1
37. O/z femblefaire de la faignée
un remede univerfel. 6$
38. Eckauffans qui rafraichïf
fent. 67
39. La faignée contraire dans les
DES SOMMAIRES, i8p
maladies habituelles . 69
40. La vie ejl dans le fang. 70
41. La faignée contraire dans
l opprejjLon. 7 î
42. La Jaignée inutile dans les
fuppreffions . 75
La faignée contraire dans
certaines apoplexies, 74.
44. Les délayans SC les purgatifs
font fort au-dejftis de la Jài *»
gnéc, f 77
45-. Quarante-huit differentes ob -
fervations de Laurent Schol-
\fuis 9 Médecin fameux, avant
d'en venir à la faignée. 78
'4<5. üfo Médecin conjifle à
découvrir P humeur peccante. 87
4-7. Chaque faignée 'doit avancer
• le terme _de nos jours. §9
4.8. La faignée eft contraire même
aux objlruclions , quoiqu'elle
femhle utile. 91.
49. Développement des çaufes qui
rendent la faignée mortelle dans
*po TABLE
une indigeflion . ^
JO. La faignée corrompt le fang
en dijjipant fes efprits. pj.
J i. Comparaifon du partifan de
la faignée SC du couvreur fur
un toit . p 5
J 2. Exemple de Vinutilité de la
faignée même dans iapoplexie.
99
J J. Raifon de préférer certains
remedes doux à la faignée . loi
La faignée nejl nécejfairt
dans aucune maladie , puif que
Ion a des exemples de chaque
maladie en détail guéries fans
fon fecours . ioj
jj. 0/2 ne faignera jamais fans
Jexpofer à rencontrer une in-
digeflion, raif on de plus pour
rejetter la faignée dans tous les
cas. 104
5 6. Trois exemples qui prouvent
que la faignée épaijfît les hu¬
meurs j 6 C devient par là. la
DES SOMMAIRES, ipi
four ce de £aveuglement } quand
elle ne caufe pas des accidens
plus graves, 107
f'j. Lafaignée produit la para-
lyfie SC bien d autres maladies.
ni
5 S. Sentiment du grand Dumou¬
lin , fur le traitement général
des maladies. 113
$$. Ne pas confondre la diète SC
le jeune. 114
60. Diminuer éC choifir les ali¬
ment d’un malade 9 ejl ce que
f appelle diète, 118
61. Singulier abus que lesfem¬
mes font de la fàignée. 119
62. Effet pernicieux de la faignée
: que Von fait à deffein de dimi¬
nuer une inflammation. 121
63. Le fang contient en lui le
principe de vie. 123
64. Erreur de ceux qui croyent
que le foie forme du fang affe^
pur pour fupplèer à Vévacua-
Ï22 TABLÉ
don de la faignée. 124
6 S m Lafaignée ne fl pas néceffaire
pour le mal de tête, quoique le
fang s y porte. 12;
66. Un mauvais éflomac produit
fouvent des maux de tète . 127
éj. Lafaignée contraire à la fin -
Xion de poitrine. 129
68. Les lavemens > les délàyans ,
les purgatifs SC la tranfpira¬
tions font les remedes fùpê-
rieurs . 130
69.. La faignée contraire au mal
de tête s SC peut le donner\ 132
70. Notre fang ne peut fe cor¬
rompre pendant notre vie. 134
71. La Chine SC le Japon font les
pays les plus peuplés , où ion
vive-moins fùfet aux maladies y
SC plus vieux . La faignée y
efl inconnue. 138
72. Aucun Médecin y partifan de
la faignée s ne peut donner de
- raifon fùfflfante pour s'affûter
quil
DES SOMMAIRES. ip$
quil nia pas mis tel ou tel ma*
lade en danger de mort. 140
73. Les payfansfe guériffent eux-
mèmes de toutes fortes de ma¬
ladies , fans la faignée. 143,
74. Mal-à-propos s appuyé-1-on
de la dégènération de t homme y
, en remarquant qu il vit moins
vieux que f es per es. 14 d».
75*. ObjeÈionfèduifante et un Mé¬
decin refpeâable, en faveur de
la faignée. 149
7 6 . Là f duree des maladies neji
jamais dans le fang , mais bien
dans les humeurs. î fi
77. Pour purifier le fang dun
homme par la faignée, il f en¬
droit le tirer tout , puifquune
feule goutte de mauvais peut
gâter tout le nouveau. ifz
78. L'urine e/l un moyen sûr de
J connoitre t humeur dominante
d’un malade, point efentiel. i££
7 fi Hippocpate , Galien SC au-
ip* TABLE
très , approuvent P examen des
urines. 1^5
80. Vurine efl le miroir des mala¬
dies,
81. La connoijjance des maladies
par l'urine efl phvyjique. 161
82. Remede à P humeur mélanco¬
lique. i (5 j
83. Vertus du Polipode . 164
8f. Remede pour la bile , SC ver¬
tus du citron. 16$
8 3. Remede pour la pituite. 1 66
86. Vertus de l'orange. 16%
87. Lavement purgatif doux dans
fes effets. ibîd.
88. Propriétés du féné ? félon
on^é Auteurs anciens SC mo¬
dernes. 172
8 p. Qualités SC vertus de là mer¬
curiale. 17$
po. Vertus de la pariétaire. 174
p i. Vertus de la racine de chicorée
faùvàge. ibîd.
p 2, la fleurs de violettes »
ibîd.
DES SOMMAIRES. 1 $i
g, Remarques intéreffantes fur
les ions effets de ce lavement.
■ 7 ?
54. Comparaifon de nos humeurs
SC du fang, avec les lampes
dïèglife garnies rieau SC ri huile*
^y. M. Confiant, mort a i 14 ans,
riavait jamais ètèfaigné. iS|
ÿ6. Forte objection contre la J ai?
gnée,
Fin dé la Table»
APPROBATION.
J ’Ai lu par ordre de Monfeigneur le
Vice - Chancelier v un Manufcrit
qui a pour titre Le Confervateur du
fang humain , ou la Saignée démontrée
toujours pernicieuje & fouvent mor¬
telle. Ce petit ouvrage renferme un fyf-
tême qui combat l’ufage de la faignée
reçu, dans la pratique de Médecine :
gomme il eft fufceptible d’interpréta¬
tion , & que d-ailleurs les nouvelles
opinions tendent à la perfection des
connoiffances 9 j’ai' crû qu’on en pou-
voit permettre fimpreflxon. A Paris ce
2,8 Novembre 1765.
Signé, POUSSE.
PRIVILEGE DU ROI .
T O UI S , par la grâce de Dieu, Roi de
1 j France & de Navarre : A nos amés &
féaux Confeillers , les gens tenans nos Cours
de Parlement. Maîtres des Requêtes ordinai¬
res de notre Hôtel, Grand Confeil, Prévôt
de Paris, Baillifs, Sénéchaux, leurs Lieute-
hans civils, & antres nos Tuftieiers qu’il ap¬
partiendra : S a l o t. Notre amé le fieur de
.Malon, Nous a faitexpofer qu’il défireroit
faire imprimer & donner au public un Ou¬
vrage qui a pour titré Le Cànfervateur du
Jang humain , ou la Saignée démontrée quel¬
quefois pernicieufe 6» fouvent mortelle , s’il
Nous plaifoit lui accorder nos Lettres, de Pri¬
vilège pour ce nécelïaîre. A ce s; causes,
voulant favorablement traiter ledit Expofant,
Nous lui avons permis & permettons par ces
Préfentes,, de faire imprimer ledit Ouvrage
autant de fois-que bon lui femblera& de le
faire vendre & débiter par tout notre Royau¬
me , pendant le temps de dix années confécu-
tives, à compter du jour de la date des Pré¬
fentes : Faifons défenfes à tous Imprimeurs ,
Libraires & autres perfonnes de quelque qua¬
lité ou condition qu’elles foieat, d’en intro¬
duire d’imprelfion étrangère dans aucun lieu de
notre obéiflance : comme auffi de faire impri¬
mer , vendre, faire vendre, débiter ni con¬
trefaire ledit Ouvrage , ni d’en faire aucun
extrait, fous quelque prétexte que ce puilfe
être , fans la permiffion exprefle & par écrit
dudit Expofant, ou de ceux qui auront droit
de lui , à peine de confifcation des exemplai-
rfcs contrefaits, de trois mille livres d’amen¬
de contre chacun des contrevenans , dont un
tiers à Nous , un tiers à l’Hôtel-Dieu de Paris,
& l’autre tiers audit Expofant, ou à ceux qui
auront droit de lui, & de tous dépens, dom¬
mages & intérêts. A la charge que ces Pré¬
fentes feront enregiftrées tout au long fur le
Regiftre de la Communauté des Imprimeurs
& Libraires de Paris, dans trois' mois de la
date d’icelles j que l’impreffion dudit Ouvrage
fera faite dans notre Royaume & non ailleurs,
en bon papier & beaux caraéteres, conformét
ment à la feuille imprimée attachée pour mo- ,
dele fous le contrefcel des Préfentes ; que l’Im-.
pétrant fe conformera en tout aux Réglemens
de la Librairie, & notamment à celui du io
Avril 172.5 -y qu’avant de l’expofer en vente,
le Manüfcrit qui aura férvi de copie à l’im¬
preffion dudit Ouvrage , fera remis dans le
état ou l’Approbation y aura été donnée , ès
mains de notre très-cher & féal Chevalier'
Chancelier' de France, le fleur D e î, a mo 1-
g n o n j & qu’il en fera enCuite remis deux
Exemplaires dans notre Bibliothèque publia
que, un dans celle de notre Château du Louvre,
un dans celle dudit fleur Delamoignon , & ua
dans celle de notre très - cher & féal Cheva¬
lier , Vice-Chancelier & Garde des Sceaux de
France , le fleur de’ Maupeou ; le tout à peine
de nullité'des Préfentes. Du contenu defquei-,
les Vous mandons & enjoignons de faire jouir
ledit Expofant, ou fes ayanscaufe, pleine-
ment & paifiblement, fans fouffrir qu’il leur
foit fait aucun trouble ou empêchement. Vou¬
lons que la Copie des Préfentes , qui fera im¬
primée tout au long au commencement 'ou à
la fin dudit Ouvrage , foit tenue pour duement
fignifîée , & qu’aux copies collationnées par
l’un de nos amés & féaux Confeillers Secré¬
taires , foi foie ajoutée comme à l’Original.
Commandons au premier notre Huiffier^ ou
Sergent fur ce requis , de faire pour l’exécu¬
tion d'icelles , tous ades requis & nécefiaires.
fans demander autre permiffian ; & nonob-
ftaut Clameur de Haro , Charte Normande,
& Lettres à ce contraires. Car tel eft notre
plaifir. Donné à Verfailles, le trente-uniéme
jour du mois de Décembre, l’an de grâce mil
fept cent foixante-cinq , & de notre Régné le
einquante-uniéme. P.ar le Roi enTon Cônfeil,
' LE BEGUE.
Regijîrê fur le Regijlre de l/i Chambre Royale
& Syndicale des Libraires & Imprimeurs de Paris ,
N°. 784. fol. 412.. conformément au. Réglement de
1725 , qui fait défenfes , article XLI, à toutes per-
fonnes de quelques qualités & conditions qu'elles
J,aient, autres que les Libraires & Imprimeurs , de
vendre, débiter , faire afficher aucuns Livres , pour
les vendre en leurs noms , fait qu'ils s'en difent tes
Auteurs ou autrement ; €r â lu charge de fournir à
la fufdite Chambre neuf exemplaires > prefcrits par
Part. CP 111. du même Réglement. A Paris ce 4
Lévrier 17 66.
LE CLERC, Adjoint.